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Toyota et Tesla : les nouvelles cibles de l’UAW

Fort de sa victoire lors de la récente grève, le syndicat de l’automobile veut organiser les déserts syndicaux que sont les constructeurs étrangers et de véhicules électriques. (Article publié dans l’Humanité du 5 décembre 2023.)

Après avoir arraché une convention collective historique aux «Big Three » (Ford, General Motors et Stellantis qui possède Chrysler), l’UAW (United Auto Workers) se lance dans l’organisation des déserts syndicaux. C’est Shawn Fain qui l’a annoncé mercredi dernier lors d’une vidéo publiée sur Facebook : « À tous les travailleurs de l’automobile qui travaillent sans bénéficier des avantages d’un syndicat : C’est maintenant votre tour ». Au total, la campagne de syndicalisation concernera 150 000 travailleurs (soit à peu près le même nombre que travaillant dans les « Big Three ») dans treize constructeurs automobiles. Il s’agit notamment des compagnies étrangères (notamment Toyota, 2e constructeur sur le marché américain, Hyundai, Mercedes et Volkswagen), ainsi que les entreprises construisant des véhicules électriques, à commencer par Tesla, ultra-dominant sur le marché.

Depuis les années 70, les constructeurs automobiles étrangers ont choisi d’implanter leurs sites de productions dans des Etats du Sud, où les syndicats sont historiquement faibles, contrairement au Midwest, berceau de l’automobile américaine et de l’UAW (créé en 1935). Les républicains – majoritaires dans cette « ceinture de la bible » – ont adopté des lois dites « right to work » (droit de travailler) qui sapent le principe de la syndicalisation générale. Aux Etats-Unis, faute de reconnaissance volontaire par le patronat, un syndicat est créé à la faveur d’un vote majoritaire des salariés. Ensuite, 100% des salariés de l’entreprise y sont obligatoirement adhérents. Ces fameuses lois permettent à un salarié d’échapper à la syndicalisation et à la cotisation, affaiblissant la force de frappe d’organisation et de négociation des syndicats. Quant à Tesla, son propriétaire, Elon Musk, est connu pour ses positions foncièrement anti-syndicales, à l’instar des PDG de Starbucks ou Amazon, Howard Schultz et Jeff Bezos.

Selon le plan présenté par l’UAW, dès que 30 % des travailleurs d’une usine auront signé une carte syndicale, ils rendront publique leur campagne. Certains usines ont déjà atteint ce seuil, assure le syndicat. Une fois le seuil des 70% franchi, sera constitué un comité composé de salariés de toutes les équipes et de toutes les catégories d’emploi qui exigera la reconnaissance volontaire de leur syndicat par l’entreprise. Si celle-ci refuse, les travailleurs demanderont l’organisation d’une élection auprès du Conseil national des relations du travail, agence indépendante du gouvernement fédéral.

Les constructeurs étrangers ont senti le danger arriver en consentant à des augmentations de salaires, dès la victoire de l’UAW face aux Big Three : 25% sur quatre ans chez Hyundai, 11% immédiatement chez Honda et 9% chez Toyota. « Toyota n’accorde pas d’augmentations par bonté d’âme, a commenté Shawn Fain. Toyota est l’entreprise automobile la plus importante et la plus rentable au monde. Elle aurait pu tout aussi bien augmenter les salaires il y a un mois ou un an. Ils l’ont fait maintenant parce qu’ils savent que nous venons les chercher. »

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