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« Comment la gauche peut continuer à peser »
Pour l’universitaire Bradley Smith, l’aile progressiste des démocrates états-uniens doit continuer à présenter des candidats face aux centristes sortants, tout en essayant de faire adopter la grande loi sociale et climatique. (Entretien publié dans l’Humanité du 20 janvier 2022.)
Quelle est votre appréciation générale de la première année de la présidence Biden ?
Bradley Smith Elle est assez mitigée. D’un côté, il est vrai que plusieurs mesures de l’administration Biden méritent d’être reconnues. Par exemple, le président démocrate a commencé son mandat en inversant par décrets toute une série de politiques de l’ère Trump en matière d’écologie, d’immigration et de droits des minorités. L’American Rescue Plan Act a protégé des millions de ménages contre les effets économiques les plus néfastes de la crise du Covid. L’Infrastructure Investment and Jobs Act permettra de moderniser les infrastructures énergétiques, routières et ferroviaires des États-Unis. L’administration Biden a également soutenu le Build Back Better Act, qui aurait établi des congés maladie, un congé maternité indemnisé, des écoles maternelles publiques et gratuites dès l’âge de 3 ans, la gratuité d’une partie des études supérieures, le tout financé par des hausses d’impôt sur les grandes entreprises et les hauts revenus. Même s’il semble que le passage de ce dernier projet de loi soit au point mort, le simple fait qu’un ensemble de réformes sociales si ambitieuses ait obtenu le soutien d’un président réputé plutôt modéré démontre le poids que l’aile progressiste du Parti démocrate exerce sur cette présidence. Néanmoins, celles et ceux qui voyaient en Biden un Franklin D. Roosevelt du XXIe siècle s’exposent à une déception prévisible, car, en presque cinquante années de carrière politique, Biden a plutôt accompagné le virage centriste qui a éloigné le Parti démocrate de l’héritage rooseveltien. Rien d’étonnant, donc, à ce que les promesses les plus progressistes de sa campagne soient diluées ou retardées en pratique.
Comment expliquer l’incapacité de Biden à transformer en lois ces promesses de campagne ?
Bradley Smith Une raison relève des rapports de forces au Congrès. Les démocrates ne bénéficient que de très courtes majorités à la Chambre des représentants (+ 5) comme au Sénat (+ 1). La moindre défection démocrate peut donc remettre en cause tout projet de loi porté par la Maison-Blanche. Les démocrates ne formant pas un groupe homogène, il est parfois très difficile de réconcilier les différentes sensibilités du parti. Si le caucus progressiste du Congrès est le premier groupe démocrate à la Chambre, avec près d’une centaine d’élus issus de l’aile gauche, seul Bernie Sanders en est membre au Sénat. Cette situation permet aux élus démocrates les plus à droite d’exiger des concessions en échange de leur voix, surtout au Sénat. C’est ainsi que les ambitions de l’American Rescue Plan et de l’Infrastructure Investment and Jobs Act ont été revues à la baisse avant d’obtenir les voix nécessaires. C’est également ainsi que le sénateur Joe Manchin a enterré à lui seul le projet de loi Build Back Better en refusant d’y apporter son soutien. Mais la stratégie législative de Biden explique aussi certains de ses échecs. Après le vote de son plan de relance, en mars, sans une seule voix républicaine, Biden s’est donné pour priorité de mettre le consensus bipartisan au cœur de sa stratégie législative. Il s’agissait de démontrer qu’il était possible de s’unir après les profondes divisions des années Trump. Afin de rallier une partie des républicains, Biden a accepté de séparer le projet de loi sur les infrastructures de celui sur les mesures sociales. Résultat : le premier a bien été voté, bien que dans une forme diminuée, mais le second n’a toujours pas obtenu les voix nécessaires pour passer au Sénat.
Quel est le positionnement de la gauche et quel rôle peut-elle jouer ?
Bradley Smith L’aile gauche du parti, qui fait pression en interne sur l’administration Biden, est frustrée par la lenteur des réformes et par l’obsession du président pour le consensus bipartisan. Il est significatif qu’Alexandria Ocasio-Cortez et cinq autres élus de gauche ont décidé de ne pas participer au vote sur l’Infrastructure Investment and Jobs Act pour contester le fait que le contenu écologique du projet ait été largement vidé de sa substance, et que ce projet ait été dissocié des réformes sociales du Build Back Better Act. Compte tenu du bilan mitigé que l’on peut dresser de la première année de la présidence Biden, les démocrates ont raison de craindre une démobilisation qui pourrait leur coûter leurs majorités au Congrès lors des élections de mi-mandat en novembre. L’enjeu pour la gauche est donc double. D’une part, il est essentiel d’obtenir une victoire législative sur un projet de réforme progressiste le plus tôt possible en 2022, afin de susciter l’enthousiasme pour les élections de mi-mandat. D’autre part, la gauche doit poursuivre sa stratégie de présenter des candidats progressistes face à des candidats centristes sortants aux primaires, afin de continuer de renforcer le caucus progressiste du Congrès (+ 17 élus depuis 2016). Autrement, si les républicains devaient regagner la majorité de la Chambre, du Sénat ou des deux, les éléments progressistes du programme de Biden seraient d’autant plus compromis que le poids de la gauche du Parti démocrate serait réduit et les marges de manœuvre de la formation dans son ensemble amputées.
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En échec sur sa loi sociale, Biden pivote vers la loi sur les droits civiques
Le président américain veut – enfin – changer les règles du Sénat afin de surmonter l’obstruction des républicains et faire adopter deux textes de loi censés sacraliser l’exercice du droit de vote. (Article publié dans l’Humanité du 13 janvier 2022.)
Un an après son entrée en fonction, Joe Biden a abattu mardi ses dernières cartes. Incapable de faire voter au Sénat la grande loi sociale et climatique qui comporte nombre de ses promesses de campagne, il a décidé de jeter le peu de capital politique qui lui reste dans une nouvelle grande législation sur les droits électoraux et civiques ainsi que dans une réforme des règles du Sénat. Un casus belli absolu pour les républicains et une grande première pour celui qui a été sénateur durant trente-six ans. La force du propos s’est appuyée sur une forte charge symbolique. Le président en exercice s’est déplacé avec la vice-présidente, Kamala Harris, jusqu’à Atlanta – la ville de Martin Luther King –, métropole d’un État, la Géorgie, qui a basculé en sa faveur lors de l’élection de novembre 2020 et le « ground zero » (l’épicentre) d’une vaste entreprise du GOP (Grand Old Party, surnom du Parti républicain) pour restreindre le droit de vote.
C’est en effet la conclusion qu’a tirée le parti de Trump de sa défaite présidentielle. Officiellement, il s’agit de lutter contre une fraude dont aucune étude ou enquête n’a pu établir la véracité. En réalité, l’objectif est de décourager les électeurs démocrates de voter en multipliant les obstacles. L’État de Géorgie a été pionnier : une loi restreint les possibilités de vote anticipé (avant le jour même de l’élection) et par correspondance – majoritairement utilisé par les démocrates –, diminue le nombre de bureaux de vote et permet aux responsables électoraux de l’État – tous républicains – de prendre la main sur les comtés (dont les plus urbains votent massivement démocrate), à rebours de décennies de tradition. Depuis un an, 34 lois de cet acabit ont été votées par les républicains dans 19 États.
Les démocrates ont rapidement identifié le danger et rédigé deux textes de loi : le John Lewis Voting Rights Act (en hommage au militant des droits civiques et député démocrate décédé en juillet 2020) et le Freedom to Vote Act, dont l’adoption permettrait une « sanctuarisation » du suffrage universel. Affairé sur le front des lois sociales et climatiques, Joe Biden n’a relancé la défense des droits civiques que ces derniers mois, au grand dam des organisations qui luttent pour ceux-ci. Stacey Abrams, fondatrice de l’une d’elles qui a permis d’inscrire 1 million d’électeurs sur les listes électorales de Géorgie et candidate, en 2018, au poste de gouverneur (ayant échoué de peu face au sortant républicain), était absente lors du discours de Biden pour « conflit d’agenda ». En fait, l’inaction de la Maison-Blanche a agacé nombre d’élus, militants et électeurs, notamment africains-américains, principales cibles des lois républicaines. Quant à James Woodall, ancien président de la NAACP, la plus ancienne organisation des droits civiques, en Géorgie, il prévenait : « Nous n’avons pas besoin de plus de discours, nous n’avons pas besoin de plus de platitudes. Nous avons besoin d’action et nous en avons besoin immédiatement. »
Le discours de Joe Biden a sans doute répondu à son attente. Très offensif, le président américain a d’abord lancé : « Cela fait deux mois que j’ai des conversations discrètes avec les membres du Congrès. J’en ai assez d’être silencieux. » Il a ensuite dénoncé les législations votées par les républicains, les qualifiant de lois « Jim Crow 2.0 », en référence aux lois dites « Jim Crow », qui ont codifié la ségrégation raciale dans les États du sud des États-Unis de la fin de la guerre de Sécession (1865) à 1965.
Après le constat, l’action : « Pour protéger la démocratie, je soutiens un changement des règles du Sénat, quel qu’il soit, pour empêcher une minorité de sénateurs de bloquer l’avancée sur l’accès au droit de vote. » Parlant d’un « tournant » dans l’histoire de son pays, l’hôte de la Maison-Blanche a assuré que « chaque membre du Sénat serait jugé par l’Histoire ». « L’Histoire n’a jamais été indulgente envers ceux qui se sont mis du côté de la restriction de l’accès au vote. Ni envers ceux qui se sont mis du côté de la subversion des élections », a-t-il appuyé.
Dans la ligne de mire des démocrates : le « filibuster ». Une règle propre au Sénat qui permet à la minorité républicaine de mener une obstruction parlementaire et de bloquer certaines lois. Adoptée en 1917, utilisée quasi exclusivement par les ségrégationnistes sudistes jusque dans les années 1960 et ressortie du placard par Mitch McConnell, le chef des républicains au Sénat, elle impose une supermajorité de 60 voix (sur les 100 sénateurs) pour tous les textes autres que budgétaires. Avec 50 sénateurs plus la voix prépondérante de la vice-présidente, Kamala Harris, les démocrates disposent d’une majorité… stérile en raison de ce « filibuster » qui peut être mis en sommeil par un vote à la majorité simple. Les républicains avaient procédé de la sorte afin de faire valider les nominés à la Cour suprême durant le mandat de Trump.
Pour faire sauter ce verrou et adopter les deux grandes lois électorales, le groupe démocrate se doit d’être uni. Ce qu’il n’est pas actuellement. Kyrsten Sinema (Arizona) et Joe Manchin, le sénateur démocrate conservateur de la Virginie-Occidentale, torpilleur de la grande loi sociale et climatique, y sont opposés. Ce dernier argue qu’une loi d’une telle envergure doit faire l’objet d’un vote « bipartisan », ce qui revient de fait à accorder un droit de veto aux républicains, qui font bloc contre ces textes. Cette posture lui a valu une réponse cinglante de Jim Clyburn, élu africain-américain de Caroline du Sud et numéro 3 démocrate à la Chambre des représentants : « Je suis, comme vous le savez, une personne noire, descendant de personnes à qui l’on a accordé le droit de vote par le 15e amendement à la Constitution des États-Unis. Le 15e amendement n’a pas été l’objet d’un vote bipartisan, c’est le vote d’un seul parti (républicain – NDLR) qui a donné aux Noirs le droit de vote. Manchin et les autres doivent arrêter de dire cela car cela me cause une grande douleur que quelqu’un suppose que le 15e amendement de la Constitution des États-Unis n’est pas légitime car il n’a pas eu de soutien bipartisan. » Avec son discours, Joe Biden a placé « Manchin et les autres » face à l’Histoire.
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Bernie Sanders appelle à une « correction majeure de trajectoire »
Dans un entretien au quotidien britannique The Guardian, le sénateur socialiste souhaite que la grande loi sociale et climatique soit mise au vote au Congrès. (Article publié dans l’Humanité du 13 janvier 2022.)
Vingt-quatre heures avant le grand discours de Joe Biden sur les droits civiques à Atlanta, Bernie Sanders avait déclenché le signal d’alarme. Dans un entretien accordé au quotidien britannique The Guardian, le président de la puissante commission du Budget au Sénat appelait les démocrates à une « correction majeure de trajectoire » en se concentrant sur les besoins des classes populaires et en s’opposant aux « puissants intérêts des grandes entreprises ». « Ce n’est pas un grand secret que le Parti républicain obtient de plus en plus de soutien de la part des salariés. Ce n’est pas parce que le Parti républicain a quoi que ce soit à leur dire. C’est parce que, de bien des façons, le Parti démocrate leur a tourné le dos », argumente Bernie Sanders.
Il fait évidemment référence à la loi Build Back Better, votée par la Chambre des représentants mais bloquée au Sénat par le refus du sénateur démocrate Joe Manchin. Bernie Sanders avait demandé aux dirigeants démocrates de soumettre au vote ce « package » législatif, afin que chacun assume son choix. Soit exactement la stratégie désormais adoptée par Joe Biden sur la question des droits civiques. « Les gens peuvent comprendre que, parfois, vous ne disposez pas des votes suffisants, expose le sénateur socialiste. Mais ils ne peuvent pas comprendre que vous n’ameniez pas au vote des lois importantes qui ont le soutien de 70 à 80 % des Américains. »
Interviewé le 6 janvier, soit le jour anniversaire de l’assaut du Capitole, Bernie Sanders défend l’idée que le meilleur moyen de sauver la démocratie ne réside pas seulement dans des lois protégeant le droit de vote mais plutôt de s’attaquer aux inquiétudes « de la vaste majorité des Américains », pour lesquels « il y a une déconnexion entre la réalité de leur vie et ce qui se passe à Washington ». Il a rappelé que des millions d’Américains vivaient des « réalités douloureuses » telles que les « bas salaires, des emplois sans issue, des dettes personnelles, l’absence de logement ou le manque de couverture maladie ».
L’aile gauche de la coalition démocrate s’est sentie flouée par la façon dont le vote a eu lieu avec deux grandes lois rassemblant les principales promesses de campagne de Joe Biden : la première portant sur les infrastructures, la seconde sur des réformes sociales (création d’un congé maladie et parental, programme public d’aide à la garde d’enfants, création de 300 000 emplois publics pour faciliter la transition écologique). Elle souhaitait lier l’adoption des deux. L’establishment démocrate a préféré découpler, ouvrant la porte à l’obstruction de Joe Manchin, avec lequel Joe Biden a négocié dans les salons feutrés sans le faire bouger d’un iota.
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Assaut du Capitole : Trump, l’incendiaire impuni
Un an après cette attaque sans précédent, les élus trumpistes multiplient les lois dans les États afin de restreindre l’exercice du droit de vote. (Article publié dans l’Humanité du 6 janvier 2022.)
La scène était plantée sur l’Ellipse, un parc situé au sud de la Maison-Blanche, mais le propos n’avait, quant à lui, rien d’elliptique. Que du Trump dans le texte. Du basique. Du direct. Du tripal. Du narcissique. Ce discours, c’est la lettre de mission adressée à un condensé du « peuple trumpiste », d’abord transi au milieu du froid de janvier puis chauffé (à blanc) par chacun des 11 000 mots prononcés en 1 h 10. Résumons : la grande œuvre réalisée par « moi, Donald, moi Donald, moi Donald » était sur le point d’être compromise par la « gauche radicale » avec l’assentiment des Rino (Republicans in Name Only, républicains de nom seulement). Le plus grand « raz de marée » électoral de l’histoire allait, en cette journée du 6 janvier 2021, être « volé » après « l’élection la plus corrompue dans l’histoire du pays, peut-être du monde ». Et ça se passait là, en bas de Pennsylvania Avenue, l’artère centrale de cette capitale fédérale qui relie tous les lieux de pouvoir. Les élus s’apprêtaient à certifier les résultats de l’élection du 8 novembre 2020 : 81 millions de voix et 306 grands électeurs pour Joseph R. Biden ; 74 millions de voix et 232 grands électeurs pour Donald J. Trump. « Stop the steal. » Il fallait « arrêter ce vol ».
Une invitation, presque un ordre. Pièce à conviction en forme d’extraits : « Maintenant, c’est au Congrès de faire face à cet assaut flagrant contre notre démocratie. Et après (le meeting – NDLR), nous descendrons la rue, et je serai avec vous. (…) Nous allons marcher vers le Capitole et nous allons acclamer nos braves sénateurs et députés et nous n’allons probablement pas tant acclamer que cela beaucoup d’entre eux. (…) Parce que vous ne reprenez pas possession de votre pays avec faiblesse. Vous devez montrer de la force et vous devez être forts. » Et ils ont marché. Comme le disait Karl Marx, « les idées deviennent des forces matérielles lorsqu’elles s’emparent des foules ». Et cette force matérielle a marché, renversé les maigres barrières de protection, fait reculer les minces effectifs de police mobilisés, pénétré avec effraction dans le lieu considéré comme le plus saint de la démocratie américaine.
Le dernier intrus portait un uniforme rouge de l’armée anglaise. C’était en 1814 lors de la seconde guerre anglo- américaine, qui scellait définitivement l’indépendance des États-Unis. Deux cent sept ans plus tard, le profanateur se présentait torse nu, muni d’une lance et d’une coiffe aux cornes de bison. S’est posé sur la chaise réservée au vice-président Mike Pence – que certains de ses acolytes recherchaient dans les couloirs au cri de « Hang Pence » (pendez Pence) – et a lâché pour la postérité : « Ce n’est qu’une question de temps, la justice arrive ! » Et elle est arrivée : « QAnon Shaman », Jacob Chansley dans le civil, 34 ans, a depuis été condamné à quarante et un mois de prison.
Préparé ou pas, coordonné ou pas ? L’affaire reste à éclaircir. On est en revanche certain du bilan : cinq morts (quatre émeutiers et un policier.) Un an après, « l’une des plus grosses enquêtes de l’histoire du FBI », selon Lorenzo Vidino, directeur du programme sur l’extrémisme de l’université George Washington, cité par l’AFP, a permis l’arrestation de 725 partisans de Donald Trump sur les 2 000 personnes « impliquées dans le siège ».
La sociologie des émeutiers arrêtés est éloquente : les accusés sont surtout des hommes (87 %), blancs et d’une moyenne d’âge de 39 ans, « plus élevée que l’âge habituel des extrémistes », souligne le chercheur. Ils sont originaires de tout le pays et ont des profils socio-économiques variés (avocat, paysagiste, agente immobilière…). À noter une surreprésentation des individus avec une expérience militaire et ayant fait faillite. On y retrouve des militants « ordinaires », convaincus par la rhétorique du chef de meute, Donald Trump, comme des conspirationnistes et des militants d’extrême droite. Ces derniers – membres notamment des groupuscules Proud Boys, Oath Keepers ou Three Percenters – ont clairement préparé le moment. Une quarantaine d’entre eux sont actuellement poursuivis pour « association de malfaiteurs ».
Demeure la question : ont-ils planifié l’attaque en lien avec l’entourage de Donald Trump ? Les procureurs laissent pour l’instant aux élus du Congrès le soin d’investiguer ces liens. Autant dire qu’aucune lumière ne sera faite : les républicains font bloc derrière Donald Trump et refusent de participer à l’enquête parlementaire. Le réalignement a eu lieu à peine quelques semaines après l’impensable assaut, passé un moment de sidération morale et de flottement politique : lors du second procès en destitution, l’immense majorité des élus du GOP (Grand Old Party, surnom du Parti républicain) votaient contre la mise en accusation de l’ancien président pour « incitation à l’insurrection ». Steve Bannon et Mark Meadows, respectivement ancien conseiller et chef de cabinet de Trump, ont refusé de témoigner, récoltant des mises en examen. Le tout sous les applaudissements de l’électorat républicain : selon un récent sondage réalisé par le Washington Post, 62 % d’entre eux restent persuadés que l’élection de Biden a été frauduleuse et 83 % estiment « faible » ou « inexistante » la responsabilité d’un Donald Trump tout prêt, tout frais pour un retour en fanfare en 2024 que préparent les législateurs républicains dans les États en votant des lois électorales restrictives. C’est leur leçon du 6 janvier 2021 : empêcher les électeurs de voter afin de ne pas perdre. Un autre assaut contre la démocratie.
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