La mise en accusation de l’ancien président – fait historique – va constituer un fait central de la vie politique du pays durant ces prochains mois et peut-être jusqu’à l’élection de novembre 2024. Ce qui pourrait finalement lui profiter. (Article publié dans l’Humanité du 6 avril 2023.)
En 1872, Ulysses Grant, 18e président des Etats-Unis a été arrêté à deux reprises en quelques jours. Son infraction : excès de vitesse dans les rues de Washington avec sa carriole. Emmené au poste de police, l’ancien général en chef des troupes de l’Union avait été libéré après le paiement d’une caution de 20 dollars (équivalent à 500 dollars actuels). La presse n’en avait pas fait état et il a fallu attendre 1908 et une interview du policier publiée dans la presse pour que l’épisode soit connu du grand public. Depuis, plus aucun locataire de la Maison-Blanche n’avait effleuré le moindre problème avec le système judiciaire, Richard Nixon l’évitant par sa démission.
Cent cinquante ans plus tard, c’est en mondiovision que son lointain successeur – un républicain, également – a eu maille à partir avec la justice. Les charges retenues sont un peu plus lourdes qu’une bride fougueuse et lui valent de devenir le premier président à être inculpé dans l’histoire du pays. Il est accusé pour avoir falsifié à trente-quatre reprises les documents comptables de son groupe, la Trump Organization, « afin de dissimuler aux électeurs américains des informations dommageables et une activité illégale avant et après l’élection [présidentielle] de 2016. » L’accusation va au-delà du seul versement de 130.000 dollars à Stormy Daniels, une actrice de films X avec laquelle il avait eu une relation extraconjugale, afin d’acheter son silence. Elle concerne aussi un paiement à deux autres personnes entre « août 2015 et décembre 2017 », des faits intervenus dès le lancement de sa campagne et qui se sont poursuivis alors qu’il se trouvait à la Maison Blanche.
Arrivé de sa luxueuse résidence de Mar o Lago, en Floride à bord de son avion personnel, Donald Trump s’est rendu de lui-même au tribunal. Bénéficiant d’un régime dérogatoire (pas de menottes, pas de « perp walk », cette exhibition à la face des photographes et caméras), le milliardaire, visage fermé a opposé un « non coupable » à chacun des chefs d’accusation. De retour le soir-même en Floride, l’ancien président s’est exprimé devant quelques militants. « Le seul crime que j’ai commis, c’est de défendre courageusement notre nation contre ceux qui cherchent à la détruire », a-t-il déclaré, tentant de transformer la procédure à son encontre en procès politique. Pour l’instant, la manœuvre fonctionne plutôt bien. Il n’a jamais été aussi populaire parmi la base républicaine et tous ses concurrents putatifs à l’investiture du GOP (Grand Old Party, surnom du parti républicain), pour laquelle il a déjà déclaré sa candidature, se trouvent contraints d’adhérer à son récit.
La procédure judiciaire va d’ailleurs télescoper le calendrier électoral. Les premiers débats des primaires républicaines auront lieu en août. Aucune chance que le procès ait déjà eu lieu puisque la prochaine date de comparution est prévue pour le 4 décembre. Il ne se tiendra peut-être même pas avant l’élection générale du 8 novembre 2024.