J.D. Vance, le choix du « à droite toute »

Quelques jours après une tentative d’assassinat, Donald Trump a choisi comme colistier le sénateur de l’Ohio, symbole du virage national-populiste du parti républicain. (Article publié dans l’Humanité du 17 juillet 2024.)

Appeler à la concorde et choisir un colistier qui attise les divisions : Donald Trump a manié le chaud et le froid à l’ouverture de la convention républicaine. Lequel des deux messages dominera ? Le suspense ne semble pas intenable tant le profil de J. D. Vance, l’heureux élu, dit à peu près tout de la stratégie trumpiste.

Son CV commence comme une histoire d’Horatio Alger, romancier américain du XIXe siècle, dont les innombrables livres mettaient en scène des « self-made-men », petites choses devenues riches par la grâce du rêve américain. James Donald Bowman, né en 1984 à Middletown dans une petite ville de l’Ohio, traverse une enfance chaotique dans une famille pauvre, avec une mère addict à la drogue et un père absent.

Il est élevé par ses grands-parents, des chrétiens évangéliques, avant de se convertir au catholicisme à l’âge de 20 ans. Il s’engage dans les marines, part en Irak, reprend ses études qui le mèneront jusqu’à la prestigieuse école de droit de Yale.

Il travaille un an pour le sénateur républicain John Cornyn, puis comme clerc auprès d’un juge dans le Kentucky, avant de rejoindre un cabinet d’avocats et de choisir le business en allant à San Francisco, auprès de Peter Thiel, le capitaliste libertarien. C’est ce dernier, pièce centrale de la radicalisation de la droite américaine, qui finance sa première campagne : à 37 ans, Vance est élu au Sénat, l’organe législatif le plus puissant au monde.

D’anti-Trump à colistier, itinéraire d’un revirement

Pour décrocher cette timbale, il a dû effectuer une seconde conversion. L’anti-Trump des années 2016-2017, qu’il comparait à l’occasion à Hitler, est devenu un trumpiste zélé. Après la tentative d’assassinat de Donald Trump, samedi 13 juillet, il est l’un des premiers à déclencher la machine à instrumentaliser, rendant l’hôte de la Maison-Blanche responsable de l’acte : « Il ne s’agit pas aujourd’hui d’un simple événement isolé. Le postulat central de la campagne de Biden est de dire que le président Trump est un fasciste autoritaire qu’il faut arrêter à tout prix. Cette rhétorique a directement conduit à la tentative d’assassinat du président Trump. »

Ce premier millennial (génération née entre 1981 et 1996) présent sur un ticket présidentiel défend toujours mordicus l’idée que l’élection de 2020 a été volée, assurant même qu’il aurait refusé de certifier les résultats. Il est également l’un des plus farouches opposants à l’aide à l’Ukraine, affichant un alignement sans complexe avec le pouvoir russe. Bref, comme le souligne l’universitaire Corentin Sellin, sur X, J. D. Vance est un « symbole de la mue nationale-populiste du Parti républicain achevée par Donald Trump ».

En 2016, Donald Trump avait favorisé la complémentarité avec Mike Pence, considéré comme un atout pour rallier les chrétiens évangéliques blancs. Ces derniers étant massivement « trumpisés », plusieurs choix s’offraient au 44e président des États-Unis. Il avait la possibilité de tenter de séduire les femmes diplômées modérées – talon d’Achille des républicains lors de la présidentielle de 2020 et des élections de mi-mandat de 2022 – ou de lancer une sorte d’appel aux minorités – traditionnellement favorables aux démocrates, mais de plus en plus distantes avec Joe Biden. Nikki Haley, ancienne ambassadrice des États-Unis à l’ONU et candidate aux primaires républicaines, ou Marco Rubio, le sénateur de Floride d’origine cubaine, pouvaient dès lors faire figure d’incarnation.

Trump a finalement opté pour sa « copie conforme », mais en plus jeune. D’une pierre il fait trois coups : renforcer son emprise sur le Grand Old Party (surnom du parti de Lincoln) ; désigner un héritier et, surtout, indiquer le cap de sa campagne. Cette dernière reposera sur la base Maga (Make America Great Again, son slogan de 2016 emprunté à Ronald Reagan) et s’adressera clairement à l’Amérique blanche.

C’est, d’une certaine façon, la poursuite de cette stratégie qui lui a permis sa première élection. Alors que les stratèges républicains avaient tiré comme conséquence de la défaite de Mitt Romney en 2012 face à Barack Obama la nécessité de s’ouvrir à la réalité d’un pays en plein bouleversement démographique, le milliardaire nationaliste avait pris le contre-pied en s’adressant aux ressentiments notamment raciaux d’une frange de l’électorat blanc.

Cette continuité implique une aggravation puisque le candidat républicain doit extraire une plus forte proportion du vote d’une population en déclin numérique. Sa rhétorique doit donc être de plus en plus inflammable. C’est ainsi qu’au début de son meeting à Butler, quelques minutes avant la rafale de huit balles, il expliquait comment l’Amérique était submergée par l’immigration, dans un plan organisé par les démocrates…

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