Le sénateur socialiste a lancé sa candidature mardi 19 février. Ses atouts sont nombreux mais l’affaire des harcèlements sexuels durant la campagne 2016 pourrait peser lourd.
Bernie Sanders sera de nouveau candidat à l’investiture du parti démocrate. Il l’a annoncé hier dans un entretien accordé à une radio du Vermont. Durant ces derniers mois, certains de ses proches faisaient passer le message, dans tous les réseaux utiles, que le sénateur du Vermont avait l’intention « d’y aller ». Depuis le début de l’année, les préparatifs s’étaient accélérés. Les déclarations de candidature de plusieurs prétendants (en l’occurrence Elizabeth Warren, Kirsten Gillibrand et Kamala Harris) à plus d’un an du premier vote – une première dans l’histoire des primaires – ont sans doute aussi convaincu le challenger d’Hillary Clinton en 2016 de passer à la vitesse supérieure. Mais, à la différence de 2016, a-t-il ajouté lors d’un entretien sur CBS, « nous allons gagner. Nous allons aussi lancer ce que je considère comme un mouvement populaire sans précédent dans l’histoire américaine. »
« Bernie » a profité du mois de janvier pour compléter son équipe de campagne. Le site Politico avait révélé l’accord trouvé avec « Means of Production » (Moyens de production). Un choix loin d’être anecdotique. Comme le laisse entendre son nom emprunté au vocabulaire marxiste, cette coopérative n’est pas un acteur « neutre ». Composé de professionnels socialistes revendiqués, cette « boîte de prod » est l’auteure du clip de lancement de campagne d’Alexandria Ocasio-Cortez qui a explosé tous les compteurs avant que la militante du Bronx, socialiste elle aussi, ne batte le baron démocrate, Joe Crowley, lors des primaires et ne devienne, en novembre dernier, la plus jeune femme jamais élue au Congrès. « Cette élection porte sur le peuple contre l’argent », dit-elle dans le « clip ». « Nous avons le peuple. Ils (les démocrates centristes) l’argent. » Fondée par deux socialistes de Detroit, Naomi Burton and Nick Hayes, « Means of Production » s’occupera donc de la com’ de « Bernie », une dimension essentielle dans une campagne de longue haleine comme celle qui s’annonce.
Autre aspect tout aussi essentiel : le financement. En 2016, la campagne du sénateur socialiste avait battu des records de dons : 234 millions pour une moyenne de 27 dollars par versement. Deux des acteurs – Tim Tagaris et Robin Curran – rempilent, tandis qu’une autre paire déjà au service du sénateur – le producteur Armand Aviram et la directrice digitale Georgia Parke – basculeront sur la campagne.
Tout ceci relève plus que de la simple intendance. L’argent, la force de frappe sur les réseaux sociaux ont été de puissants leviers de l’émergence politique de Sanders en 2016. Son programme aussi. Celui-ci est déjà connu, rôdé et porté par des dizaines d’élus au Congrès : SMIC à 15 dollars, généralisation de la couverture maladie par l’extension à tous les habitants de Medicare (système fédéral protégeant les plus de 65 ans), droit opposable à l’emploi, gratuité des études dans les universités publiques, réforme du système pénal, réforme de la politique d’immigration et abolition de l’ICE (l’agence fédérale de police aux frontières). « Bernie Sanders va déterminer, sur le fond, les termes du débat pour cette primaire », prédit le politologue Ruy Teixeira. Popularité de son programme et de sa personnalité (il arrive toujours en tête des sondages), enthousiasme militant, soutien parmi les Millennials (les moins de 35 ans), staff de campagne rôdé et compétent, expérience de 2016: Sanders a tous les atouts en main, sauf…son âge (77 ans) et, surtout, l’affaire des harcèlements sexuels durant la dernière campagne présidentielle. « Il ne faut pas en douter, il sera attaqué sur ce dernier point qui a constitué un vrai problème lors de sa dernière campagne, en raison de l’indifférence de Jeff Weaver (directeur de campagne, NDLR) et d’autres hauts responsables ainsi que du sexisme « ordinaire » de nombre de jeunes militants », analyse John Mason, professeur de sciences-politiques à l’Université William-Patterson. Ces derniers mois, de nombreux témoignages de militantes, volontaires ou salariées de la campagne ont surgi, relatant des faits de harcèlement sexuel et de discriminations (responsabilités, salaires) de même nature. Le sénateur a officiellement présenté ses excuses aux victimes : « Ce qu’elles ont traversé était inacceptable et ce n’est certainement pas ce qu’une campagne progressiste, pas plus qu’une autre campagne, devrait être. » Il n’en restera pas moins « vulnérable », selon John Mason, notamment face aux candidates Warren, Harris ou Gillibrand.