Le président américain a dévoilé son plan très « modéré ». C’est désormais au pouvoir législatif, soit le Congrès, où le bras de fer entre les centristes et l’aile gauche est annoncé, de s’emparer du sujet. (Article publié dans l’Humanité du 30 mars 2022.)
Cap au centre. À un peu plus de sept mois des élections de mi-mandat, Joe Biden a manifestement choisi la stratégie avec laquelle il va tenter de maintenir une majorité démocrate au Congrès. Elle transpire dans la proposition de budget que le président en exercice a transmise aux deux chambres. Évidemment, en dernier recours, ce sont ces dernières qui voteront le budget des États-Unis mais, comme le déclare Joe Biden dans un communiqué : « Les budgets sont des déclarations de principes, et le budget que je rends public aujourd’hui envoie un message clair que nous valorisons la responsabilité fiscale, la sûreté et la sécurité dans notre pays et à travers le monde et les investissements nécessaires pour poursuivre une croissance équitable et construire une Amérique meilleure. »
En l’occurrence, le document est surtout une déclaration de victoire pour l’aile centriste de sa coalition. Si les investissements publics pour l’année fiscale 2023 se montent à 1 600 milliards de dollars, en hausse de 7 %, la première priorité évoquée est celle de réduire le déficit de 1 000 milliards au cours de la décennie, une marotte des conservateurs fiscaux encore puissants au sein du groupe démocrate. Surtout, ce sont les volumes budgétaires des postes « régaliens » qui donnent satisfaction aux « modérés ».
Le moment n’est manifestement plus aux grandes réformes sociales et climatiques, dont les annonces avaient rythmé le début de sa présidence avant de s’embourber dans les négociations sans fin avec les deux sénateurs démocrates récalcitrants Joe Manchin et Kyrsten Sinema. Elles figurent certes dans le document mais sans financement. L’an II de Biden est marqué par une inflation souhaitée des budgets de la sécurité nationale avec 813 milliards de dollars, soit une hausse de 31 milliards et de 4 % par rapport à son état actuel, déjà le plus haut depuis la fin des années Bush. La police de l’immigration et des frontières – dont le rôle est fortement critiqué à gauche – verrait ses moyens augmenter de 13 %.
Une réforme fiscale constitue l’autre pilier de cette feuille de route. Une taxe minimale sur les millionnaires serait créée : les foyers dont le patrimoine dépasse les 100 millions de dollars devraient payer en impôts un minimum de 20 % de leurs revenus et sur les gains potentiels de leurs actions et obligations. Le taux marginal d’imposition sur les revenus passerait de 37 à 39,6 % et celui sur les sociétés de 21 à 28 %. Cette dernière proposition n’a quasiment aucune chance de devenir réalité, puisque Kyrsten Sinema refuse depuis le début du mandat de Biden toute augmentation de la fiscalité sur les entreprises. Titulaire d’un poste central (président de la commission budgétaire du Sénat) dans le processus à venir, Bernie Sanders a accueilli cette proposition avec diplomatie et fraîcheur, mettant l’accent sur le besoin de lutter contre l’accroissement des inégalités et les effets du changement climatique et stipulant que les États-Unis n’ont « pas besoin d’une hausse massive du budget militaire ».