Archives mensuelles : juillet 2023

Chez UPS, les Teamsters revendiquent un accord historique

Quelques jours avant le déclenchement d’une grève, la direction de la grande entreprise postale privée a cédé aux demandes du syndicat, avec des hausses de salaires substantielles et l’embauche de 7500 personnes. (Article publié dans l’Humanité du 27 juillet 2023.)

« Historique ». Le syndicat Teamsters a revendiqué mardi soir avoir conclu le « meilleur projet d’accord » avec la direction d’UPS, la grande entreprise postale privée. Cette annonce intervient quelques jours avant la date-butoir du 31 juillet, qu’avait fixé l’organisation syndicale avant de déclencher un mouvement de grève pour lequel la quasi-totalité des 340.000 syndiqués s’étaient prononcé. Dans un communiqué rendu public sur son site, les Teamsters (1,3 millions de membres) égrènent les principales revendications satisfaites : augmentation du salaire horaire de 2,75 dollars en 2023 et de 7,50 au terme des cinq années du nouveau contrat, qui fera des chauffeurs à temps plein « les mieux payés du pays » ; salaire minimum horaire de 21 dollars (13 actuellement) pour les salariés à temps partiel et augmentation totale de 48% d’ici 2028 ; amélioration des conditions de sécurité et sanitaires dans  les camions ; le jour dédié à Martin Luther King (le 15 janvier) sera férié (une majorité des salariés d’UPS sont africains-américains) et enfin création de 7500 emplois à temps plein tandis que la direction d’UPS s’engage à ce que les 22500 postes ouverts soient pourvus. Les contrats – généralement d’une durée de 5 ans – fonctionnent comme des conventions collectives. Elles font donc l’objet de renégociations régulières et sont soumises au vote des syndiqués, ce qui sera le cas chez les Teamsters, entre le 3 et 22 août.

En 2018, la base avait rejeté à 55% le projet de contrat qui instituait notamment un statut moins favorable pour les nouveaux embauchés, mais le président du syndicat, James Hoffa (fils du légendaire Jimmy Hoffa, syndicaliste proche de la mafia et disparu en 1975) avait quand même apposé sa signature en bas du document, déclenchant la colère des membres. En 2021, une majorité d’entre eux élisait une nouvelle direction qui s’engageait à revenir sur les concessions effectuées. Mission partiellement accomplie. « L’accord met plus d’argent dans les poches de nos membres et établit une gamme complète de nouvelles protections », s’est félicité Fred Zuckerman, le secrétaire général des Teamsters. Fait exceptionnel, le président des Etats-Unis, Joe Biden, a commenté une « annonce (qui) nous rapproche d’un meilleur accord pour les travailleurs. » Pour Bernie Sanders, il s’agit « d’une victoire majeure pour la classe ouvrière américaine. » La négociation productive chez UPS intervient  alors que la grève à Hollywood se poursuit (lire page 2), avec des scénaristes et acteurs, portant certes des revendications différentes mais toujours au coude à coude. Elle précède l’autre moment attendu de l’année syndicale : la renégociation du contrat parmi les trois grands de l’automobile (Ford, General Motors et Stellantis). Le principal syndicat, UAW, dispose d’un nouveau président depuis le début de l’année : Shawn Fain, élu sur une ligne plus combative que le sortant Ray Curry. Dans ce secteur aussi, l’organisation syndicale avait accepté, après le krach de 2008, le principe du « double statut » sur lequel veut revenir l’actuelle direction, soutenue par la base militante.

 

 

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La Cour Suprême, à (ultra) droite toute

La plus haute instance judiciaire du pays a mis fin aux politiques d’affirmative action dans les universités, invalidé le plan de Joe Biden d’annulation de la dette étudiante et autorisé dans la sphère commerciale les discriminations basées sur l’orientation sexuelle. (Article publié dans l’Humanité du 3 juillet 2023.)

Après avoir aboli jeudi 29 juin les politiques d’affirmative action dans les universités, lancées par John Fitzgerald Kennedy en 1961 en plein mouvement des droits civiques, arguant que les « discriminations » basées sur l’origine n’y avaient pas leur place, la cour suprême a estimé vendredi 30 juin que les discriminations basées sur l’orientation sexuelle étaient tout à fait légales dans la sphère commerciale. Dans un tir groupé qui réjouit les conservateurs, la plus haute instance judiciaire du pays a également invalidé l’annulation d’une partie de la monstrueuse dette étudiante, une mesure-phare de Joe Biden.

Fait rarissime, ce dernier a commenté, lors d’une allocution télévisée, ces deux décisions qui confirment le grand virage à droite de l’institution. « Je sais qu’il y a des millions d’Américains qui se sentent déçus, découragés, et même un peu en colère, à cause de l’arrêt pris par la Cour aujourd’hui sur la dette étudiante, et je dois admettre que moi aussi », a-t-il déclaré avant de se dire « très inquiet » du risque accru de discrimination contre les LGBTQ+. « Aux Etats-Unis, personne ne devrait être discriminé en raison de qui il est ou de qui il aime », a-t-il affirmé dans un communiqué.

La Cour suprême a donc encore frappé. Elle a d’abord donné raison à une créatrice de site web qui refuse d’en produire pour les mariages gays. L’Etat du Colorado dans lequel elle vit interdisant depuis 2008 aux commerçants de pratiquer des discriminations liées à l’orientation sexuelle sous peine d’amende pouvant aller jusqu’à 500 dollars, elle a donc fait remonter son cas jusqu’à la cour suprême. Les six juges conservateurs estiment que le premier amendement qui garantit la liberté d’expression « conçoit les Etats-Unis comme une endroit riche et complexe, où les gens sont libres de penser et d’exprimer ce qu’ils veulent, pas ce que le gouvernement leur demande ». « Le Colorado essaie de renier cette promesse », ajoute écrit le magistrat Neil Gorsuch en leur nom. Bref, vous avez le droit d’être anti-gay et de refuser de les servir, c’est votre liberté d’expression. La juge Sonia Sotomayor a dans un avis divergent a stigmatisé cette décision : « Aujourd’hui la Cour a, pour la première fois de son histoire, donné un droit constitutionnel à un commerce ouvert au public de refuser de servir » des clients protégés par des lois anti-discriminations.

La Cour a donc ensuite mis fin à l’une des principales mesures sociales de l’administration Biden : l’effacement totale de la dette étudiante pour 20 millions d’emprunteurs et partielle pour 23 autres millions, pour un coût total de 430 milliards de dollars. « La question ici n’est pas: « est-ce que quelque chose doit être fait ? », mais « qui a l’autorité pour le faire ? », s’est justifié le président de la Cour, John Roberts. Or, ajoute-t-il, « parmi les plus grands pouvoirs du Congrès, il y a le contrôle du portefeuille ». Pour les trois juges progressistes, la Cour « outrepasse son rôle limité dans la conduite de la Nations, en « se substituant au Congrès et à l’Exécutif pour prendre une décision de politique intérieure ». Joe Biden a annoncé dès vendredi « un nouveau plan » pour alléger la dette étudiante « aussi rapidement que possible ».

Après cette nouvelle batterie de décisions réactionnaires, le débat sur le rôle et surtout la composition de la Cour Suprême, qui n’a jamais été aussi peu populaire, sera, à n’en pas douter, relancé. Certains démocrates militent pour une réforme avec notamment l’augmentation du nombre de juges, ce qui permettrait à un président démocrate de nommer de nouveaux juges progressistes. Bernie Sanders, pour sa part, y est opposé, arguant que l’arme peut se révéler à double tranchant et profiter potentiellement aux républicains. Dans les années 30, Franklin Delano Roosevelt avait déjà brandi cette « menace » face à une Cour qui invalidait nombre de mesures du New Deal. Cela avait suffi pour qu’elle mette fin à cette obstruction systématique.

En attendant, la formule d’Alexis de Tocqueville n’a jamais paru aussi juste lorsqu’il évoquait dans « De la démocratie en Amérique » ses « attributions sont presque entièrement politiques quoique sa constitution soit entièrement judiciaire». Dans un pays de « common law », la jurisprudence fait la loi. C’est le cas depuis deux siècles. S’y ajoute désormais une forme de « déni démocratique » : cinq des neuf juges composant l’actuelle cour ont été nommés par des présidents minoritaires en voix.

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