Archives mensuelles : août 2023

Les planètes s’alignent pour Joe Biden

Les déboires de Donald Trump et les revers des républicains alliés aux effets économiques de la grande loi sociale et climatique placent le président en exercice en bonne position pour sa réélection en 2024. (Article publié dans l’Humanité du 10 août 2023.)

Les malheurs de Donald Trump font le bonheur de Joe Biden. L’hôte de la Maison Blanche observe les nuages qui s’accumulent dans le ciel des républicains, dégageant ainsi son propre horizon en vue d’une réélection, le 5 novembre 2024. Alors qu’il se trouvait en visite dans le sud-ouest du pays afin de faire le service après-vente de la grande loi sociale et climatique votée en août 2022, il a pu feuilleter avec délectation les dépêches d’agence. Ces dernières relatent notamment que le GOP (Grand Old Party, le surnom du parti républicain) s’est encore pris les pieds dans le tapis électoral. Dans l’Ohio, où Donald Trump l’a pourtant emporté en 2016 et 2020, une proposition des républicains soumise à référendum a mordu la poussière. Il s’agissait de relever le seuil d’adoption d’un amendement constitutionnel de la majorité simple à 50% à une majorité qualifiée à 60%. 57% des électeurs du septième Etat le plus peuplé du pays (11,5 millions d’habitants) ont rejeté cette « réforme » dont le but était évident : rendre plus difficile l’adoption d’un amendement qui inscrirait le droit à l’avortement dans la Constitution de l’Etat, objet d’un référendum en novembre prochain et dont l’issue semble favorable au camp « pro-choice ». Depuis que la cour suprême a, en juin 2021, supprimé la protection constitutionnelle à ce droit, ce dernier mène la bataille, Etat par Etat. En août 2021, le Kansas, un Etat conservateur, répondait « oui », premier revers pour les républicains. En novembre dernier, les électeurs de la Californie, du Michigan et du Vermont ont également érigé cette muraille.

«Aujourd’hui, les électeurs de l’Ohio ont rejeté une tentative des législateurs républicains et des intérêts particuliers», s’est félicité Joe Biden dans un communiqué. Il s’est, en revanche, gardé de tout commentaire à la lecture de l’édition du New York Times et d’un long papier sur un mémo secret enfin rendu public : le document posait les fondations, bien avant le 6 janvier 2021, de la stratégie de Donald Trump de contester la certification des résultats et de tenter de les inverser. Cela complique encore plus la situation de l’ancien président dans le troisième dossier qui lui vaut une mise en examen. Une série en cours pour le milliardaire : selon les informations du quotidien new-yorkais, une quatrième risque de s’y ajouter dès la semaine prochaine. Il s’agit cette fois des intimidations et pressions auxquelles s’est livré Donald Trump en Géorgie, peu après l’élection afin de renverser le résultat qui lui était défavorable, Joe Biden l’ayant remporté avec un peu moins de 12.000 voix d’avance.

L’étau se resserre donc chaque jour sur le grand favori des primaires républicaines qui n’a désormais plus qu’un objectif : repousser le plus possible la tenue des procès afin d’éviter une condamnation avant l’élection présidentielle. Dans l’éventualité où il serait condamné à une peine de prison, Donald Trump pourrait quand même être candidat. Un « scénario » auquel ne veulent pas rêver les stratèges démocrates tellement il semble trop beau pour un président peinant autant à masquer son âge (80 ans) qu’à valoriser son bilan. Pour remédier à cette faiblesse, Joe Biden est parti cette semaine en tournée de promotion, en forme de pré-campagne électorale, de sa grande loi climatique et sociale (Inflation Reduction Act, IRA), un an après son adoption. Même si les 370 milliards de dollars qui seront engagés sur dix ans se trouvent bien en deçà des promesses de campagne du candidat Biden, ils n’en constituent pas moins le plus important investissement du pays en matière de transition énergétique. Les créations d’usines se multiplient sur le sol américain, notamment dans la fabrication de batteries pour voitures électriques ou les panneaux solaires. Joe Biden veut donc capitaliser politiquement sur cette loi qui dénote dans un bilan plutôt atone et ainsi donner des gages verts à la partie la plus jeune de son électorat, la plus sensible à la lutte contre le changement climatique. C’est avec la même boussole électorale qu’il a annoncé, en Arizona, la création d’une zone protégée autour du Grand Canyon, destinée à freiner l’extraction d’uranium. Le territoire portera le nom de Baaj Nwaavjo I’tah Kukveni. Baaj Nwaajo, dans la langue des indiens Havasupai, signifie « la terre des tribus », tandis que I’tah Kukveni, en langage hopi, veut dire: « Dans les pas de nos ancêtres ». De manière pas tout à fait accessoire, le vote des amérindiens est crucial dans cet Etat que Joe Biden a remporté avec 10500 voix d’avance…

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Non-coupable et coupable, la double stratégie de Trump

Si l’ancien président a nié en bloc jeudi face au juge les accusations d’entraves au processus électoral, son avocat a reconnu que le président alors encore en exercice avait bien demandé à Mike Pence de suspendre la procédure électorale pendant dix jours. Pas forcément une gaffe. (Article publié dans l’Humanité du 4 août 2023.)

Non-coupable l’après-midi mais coupable le soir. Convoqué le jeudi 3 août devant un tribunal fédéral à Washington, l’ancien président a nié en bloc les charges portées contre lui (avoir orchestré un complot contre les institutions après sa défaite lors de la présidentielle en 2020). Quelques heures, plus tard sur Fox News et Newsmax, deux chaînes conservatrices, son avocat John Lauro affirmait que son client avait demandé au vice-président, Mike Pence, de suspendre la procédure électorale pendant dix jours, ce qui revient très précisément à confirmer la pertinence de l’accusation… Amateurisme ? Ballon d’essai ?

Ces derniers jours, la ligne de défense du milliardaire a semblé chercher son « angle d’attaque ». A d’abord été évoqué le fameux 1er amendement à la Constitution des Etats-Unis qui garantit la liberté d’expression et protégerait donc Trump… de ses propres mensonges et des pressions exercées contre des fonctionnaires électoraux. Puis est venu l’argument de la « bonne foi », en quelque sorte : Donald Trump croyait vraiment qu’il avait gagné l’élection. Seul hic : dans le volumineux dossier du procureur  Jack Smith, figure une note où Trump reconnaît sa défaite. Sans parler des témoins – parmi lesquels l’ancien ministre de la Justice, William Barr – qui déclarent que le président alors sortant avit bien été sorti. La dernière tentative de l’avocat ressemble à une dernière carte abattue. Sur Twitter, le journaliste William Reymond décrypte : « L’idée est de dire que Trump a simplement interprété la loi électorale. Et que ce n’est pas de sa faute si les textes de loi ne sont pas suffisamment claires ? La défense est risquée car, au-delà de son côté alambiqué, il faudra justifier pourquoi Trump a fait cette interprétation alors que dans les semaines précédentes, 63 différentes décisions de justice ont affirmé qu’il n’y avait pas de fraude électorale. Donc AUCUNE nécessité à suspendre le processus électoral. En jouant cette carte – la seule à sa disposition ? – Trump espère que la décision finale soit prise par la Cour Suprême à majorité conservatrice. Là où il a nommé 3 juges. En réalité, la jurisprudence sur la loi électorale est relativement claire et je ne vois pas la Cour Suprême accéder à la demande de Trump. »

Quant à la stratégie politique, elle n’a pas changé. A peine sorti du tribunal pour aller à l’aéroport Ronald Reagan prendre un avion qui le ramenait en Floride, le favori de la primaire républicaine a crié à la « la persécution d’un opposant politique ». Cette victimisation fonctionne auprès de la base « MAGA (Make America Great Again, le slogan de Trump en 2016) galvanisée et fanatisée : lundi, un sondage réalisé par le New York Times indiquait que Trump recueillerait 54% des suffrages des électeurs républicains qui se mobiliseront pour la primaire, offrant à l’ancien locataire de la Maison Blanche la perspective d’une nomination aisée et celle d’une campagne rythmée par les procès.

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Donald Trump écrase la concurrence 

Ni les insultes lancées à ses opposants ni les affaires judiciaires ne semblent pouvoir empêcher l’ancien président de voler vers l’investiture républicaine. Un sondage du New York Times lui accorde 54 % des suffrages. Une bonne nouvelle pour Joe Biden, qui pourra se targuer d’être le barrage au danger Trump. (Article publié dans l’Humanité du 2 août 2023.)

Ron DeSantis est donc un « fils de pute » et Joe Biden également. Mais l’auteur de ces insultes, Donald Trump, fait toujours la course en tête. Deux mises en examen (affaire Stormy Daniels et détention de documents classés secret-défense) et bientôt trois (tentative de fraude en Géorgie pendant l’élection présidentielle en 2020). Mais Donald Trump caracole au sommet des sondages. Rien ne semble pouvoir arrêter l’ancien président dans la course à l’investiture du parti républicain. Ni les dérapages, ni les affaires judiciaires n’impactent une courbe de sondages qui affichent une santé insolente. Selon une enquête publiée lundi par le New York Times, il est crédite dé 57% des voix contre 17% à son principal challenger, Ron DeSantis, tous les autres candidats (y compris l’ancien vice-président Mike Pence) plafonnant à 3%. C’est le plus large écart enregistré entre le favori et ses concurrents, signe que le GOP (Grand Old Party, le surnom du parti républicain) est très largement trumpisé. Mais pas totalement.

Le quotidien new-yorkais découpe la famille des électeurs potentiels aux primaires républicaines, dont le premier vote aura lieu en février 2024, en trois sous-groupes. Les MAGA (Make America Great Again, le slogan de Donald Trump en 2016 après avoir été celui de Ronald Reagan en 1980) représentent 37%. C’est la base trumpiste, la forteresse, qu’aucun candidat ne pourra attaquer. Elle est vieillissante, blanche, peu diplômée mais avec des revenus moyens ou moyens-supérieurs, convaincus que le pays est en train de perdre son âme et que Trump va corriger tout cela. D’une certaine façon, 37% représente donc le plancher de Donald Trump. « La base MAGA ne le soutient pas en dépit de ses défauts. Elle le soutient car elle ne semble pas penser qu’il a des défauts », note le New York Times. Ainsi la même insulte (« fils de pute ») lancée la semaine dernière au président démocrate en exercice et au gouverneur de Floride reflèterait sa propension à dire ce qu’il pense. Et les mises en examen qui se cumulent constitueraient plutôt la preuve d’un harcèlement judiciaire des démocrates et donc du fait que leur champion se trouve dans le vrai. Le deuxième segment de l’électorat républicain, également 37%, est composé d’électeurs qu’il faut encore persuader. Ils sont conservateurs, n’apprécient pas particulièrement Donald Trump mais ne refusent pas le principe d’un vote en sa faveur. En l’état actuel du rapport des forces, la moitié se prononce d’ailleurs pour lui. Contrairement à l’ultime frange (environ 25%), moins âgée, plus éduquée, plus « modérée » politiquement, qui représentent le bloc « Never Trump » (« Jamais Trump »), et qui sera donc acquise à l’opposant au milliardaire.

La force de Trump réside aussi dans la faiblesse de l’alternative. Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, a tenté de jouer la carte du « trumpisme sans Trump. » Il a même repoussé les frontières du « trumpisme », en développant une véritable croisade anti-woke (thème que Trump aborde certes mais sans en faire une obsession), au point de vouloir apprendre aux jeunes écoliers de son Etat que l’esclavagisme a eu ses « bienfaits ». Cette stratégie l’a finalement renvoyé à deux impasses : pour les plus modérés qui demeurent encore au sein du parti républicain, il est trop trumpiste ; et pour la base MAGA, il n’est pas… Donald Trump. L’argument massue du gouverneur de Floride – « Je suis plus à même de remporter l’élection présidentielle que Trump, battu en 2020 » – se révèle poids plume. Et quand bien même un duel se profilerait, Trump maintiendrait une avance plus que confortable: 62% à 31%… Les flux d’argent indiquent assez clairement que le pari DeSantis est perdu : de très nombreux puissants donateurs conservateurs ont retiré leurs billes financières de sa campagne. Certains, préférant l’original à la copie, se sont tournés vers Trump, d’autres étant toujours à la recherche d’un plan B, un candidat sachant marquer sa différence de personnalité avec Trump mais le plus proche possible du centre de gravité du GOP qui a considérablement glissé vers la droite. Une sorte de trèfle à quatre feuilles. Les probabilités que Donald Trump soit le candidat républicain à l’élection présidentielle du 5 novembre 2024 sont au plus haut. Sans doute une bonne nouvelle pour Joe Biden. Une enquête publiée hier par le même New York Times montre que la proportion d’électeurs démocrates souhaitait que l’hôte de la Maison Blanche se représente est passé de 26% en juillet 2022 à 45%. Comme si les mécanismes de 2020 se remettaient en place : face au danger Trump, Biden devient l’agent du barrage y compris pour des électeurs de gauche insatisfaits de son bilan.

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