Droits de douane, gel de l’aide internationale : comment Donald Trump fait la guerre au monde entier

En instituant des droits de douane pour le Canada, le Mexique et la Chine et en gelant l’aide internationale pour des dizaines de pays, le président nationaliste place la communauté internationale en état de tension. (Article publié dans l’Humanité du 3 février 2025.)

Lors de son discours d’investiture, Donald Trump avait promis qu’il serait un « faiseur de paix et un unificateur ». Deux semaines à peine après, ses paroles se sont dissoutes dans une guerre commercialo-financière qui est en passe de semer le chaos et la division, non seulement sur le continent américain mais dans le monde entier. Dans son offensive, le président nationaliste manie deux armes massives : les droits de douane et l’aide internationale.

Ce sont les premiers qu’il a dégainés samedi 1er février, comme il l’avait annoncé. Les produits venant du Canada et du Mexique – les deux partenaires de l’accord de libre-échange qui a succédé à l’Alena en 2020 – sont taxés à hauteur de 25 % tandis que 10 % supplémentaires sont imposés à ceux déjà existants sur les produits chinois. Les trois pays, à eux seuls, représentent 40 % des importations du pays.

Donald Trump a donc décidé de renchérir le coût de près de la moitié des produits importés. L’impact inflationniste ne fait aucun doute, dans un pays où l’inflation subie depuis la pandémie de Covid fait partie des principales préoccupations des habitants. Plusieurs études ont montré que les droits de douane décidés par ce même Donald Trump lors de son premier mandat avaient été répercutés sur les consommateurs américains.

L’objectif demeure peu clair. D’un côté, il affirme avoir mobilisé les fameux « tariffs » – ce mot qu’il tient pour le plus beau de la langue anglaise – afin de contraindre les pays concernés à agir pour diminuer le trafic de fentanyl et les arrivées de migrants illégaux sur le sol américain. Argument peu convaincant : comme l’a rappelé Justin Trudeau, premier ministre démissionnaire du Canada, son pays ne compte que pour 1 % de chacun de ces problèmes.

De l’autre, le président américain ne cesse de répéter que les pays étrangers ont prospéré sur le dos des États-Unis, laissant présager que ce début de guerre commerciale ne constitue qu’un levier pour renégocier des accords. Donald Trump avait déjà agi ainsi lors de sa première arrivée à la Maison-Blanche avec la conclusion de l’Aceum (accord Canada-États-Unis-Mexique) en remplacement de l’Alena, l’accord de libre-échange avec le Mexique et le Canada, conclu sous la présidence de Bill Clinton.

Aussitôt déclenchée, la canonnade trumpienne a provoqué des tirs de barrage des pays visés. Le Canada va appliquer la même charge – 25 % – sur 155 milliards de dollars canadiens (102 milliards d’euros) de biens états-uniens. Première salve dès ce mardi 3 février : les prix du bourbon, des appareils ménagers comme des fruits en provenance du puissant voisin augmenteront. « Si le président Trump veut inaugurer un nouvel âge d’or pour les États-Unis, la meilleure voie est de s’associer avec le Canada, et non de nous punir », a lancé Justin Trudeau lors d’une conférence de presse au ton grave, presque dramatique, convoquant l’histoire commune des deux pays.

Même réaction du côté de la présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum, qui a immédiatement annoncé « des mesures tarifaires et non tarifaires en défense des intérêts du Mexique », sans les détailler. L’économie mexicaine, dont 83 % des exportations partent chez le voisin américain (automobiles, ordinateurs, produits agricoles) et qui affiche un fort excédent commercial, est sans doute la plus encline à subir les conséquences de cette guerre qui commence. Raison pour laquelle la cheffe de l’État a laissé une porte entrouverte en proposant à son homologue états-unien « un groupe de travail avec nos meilleures équipes de sécurité et de santé publique » sur les questions de trafic de drogue et des migrations.

« Je vais discuter avec le premier ministre Trudeau demain matin, je vais également parler avec le Mexique demain matin, je ne m’attends à rien de grave. Nous avons mis des droits de douane car ils nous doivent beaucoup d’argent, je suis certain qu’ils paieront », a déclaré Donald Trump, dimanche, à la presse avant de quitter sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride.

La troisième cible – la Chine – prendra des mesures « correspondantes pour protéger résolument » ses « droits et intérêts », a annoncé, dans un communiqué, le ministère chinois du Commerce. « Les guerres commerciales n’ont pas de vainqueur », a rappelé, de son côté, le ministère chinois des Affaires étrangères. C’est cette crainte que partage le Japon, pourtant un allié indéfectible des États-Unis. Le ministre des Finances japonais, Kastunobu Kato, s’est dit « profondément préoccupé par la façon dont ces droits de douane pourraient affecter l’économie mondiale ».

« Ce sera le nouvel âge d’or pour les États-Unis ! Est-ce que cela va faire souffrir ? Oui, peut-être. Et peut-être pas. Mais nous allons rendre sa grandeur à l’Amérique et cela vaudra le prix qu’il faudra payer », a de son côté écrit – en lettres capitales – Donald Trump sur son réseau Truth Social dimanche tout en continuant à multiplier les menaces. « Il n’a pas été donné à la Chine, il a été donné bêtement au Panama. Mais ils ont violé l’accord et nous allons le reprendre, ou quelque chose de très fort va se produire », a-t-il lâché le même jour à propos du canal de Panama où son secrétaire d’État Marco Rubio était en déplacement.C’est plus que la crainte qui domine dans de nombreux autres pays du monde. L’heure est à la stupéfaction alors que Donald Trump a fourbi sa deuxième arme : le gel de l’aide internationale. D’une simple signature, le locataire de la Maison-Blanche a suspendu tous les programmes d’aide étrangère des États-Unis pour une durée de quatre-vingt-dix jours. Seules l’aide alimentaire d’urgence et l’assistance militaire pour Israël et l’Égypte font exception. Le président républicain a affirmé dimanche que l’Agence américaine pour le développement (USAID), déjà l’objet de virulentes attaques d’Elon Musk, était « dirigée par des fous extrémistes » qu’il fallait « virer de là ».

Pendant trois mois, son administration va réexaminer l’ensemble du système d’aide internationale et sans doute le passer au tamis de la conditionnalité, calée sur l’agenda ultraréactionnaire trumpiste. Les conséquences sont déjà perceptibles, notamment sur le continent africain, où Pékin, vu comme un concurrent stratégique par Washington, pourrait, de manière paradoxale, profiter de ce désengagement, même s’il s’avère momentané. En Afrique de l’Est, certaines écoles financées par les États-Unis ont demandé aux enfants d’arrêter de venir.

En Ouganda, « l’absence de médicaments pendant plusieurs jours pour les patients atteints du VIH/sida peut entraîner la mort », explique à l’AFP Peter Waiswa, un membre du réseau d’aide humanitaire Compassion Connectors dans ce pays. Au Soudan du Sud, déjà touché par une épidémie de choléra, 3 000 personnes comptent sur l’aide américaine après avoir perdu leur maison dans des inondations. « Si la décision (…) n’est pas rapidement reconsidérée, il est fort possible que les gens commencent à mourir de faim et de maladies », redoute, auprès de l’AFP, James Akoon Akot, enseignant dans un orphelinat du pays.

Dans son discours inaugural de second mandat, le 20 janvier, Donald Trump avait promis de ne pas lancer de nouvelles guerres. Pas d’éviter de provoquer des morts dans des situations et événements qui, sans mobiliser l’armée, n’en auront pas moins des conséquences funestes.

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