Trump, le discours économique du déni

Le président nationaliste s’est livré en direct à un exercice de déni sur la situation économique et sociale du pays. Le timing de son allocution sans annonces précises ne manque pas de surprendre. (Article publié dans l’Humanité du 19 décembre 2025.)

Donald Trump a utilisé, mercredi soir, un moyen relativement exceptionnel – une adresse à la nation – pour un banal plaidoyer pro domo. L’annonce d’un discours du président des États-Unis en direct avait nourri quelques hypothèses, parmi lesquelles l’annonce d’une intervention militaire contre le Venezuela, alors que l’administration Trump poursuit sa stratégie de la tension, en instaurant un blocus des navires pétroliers. Sur X, Tucker Carlson, l’ancien présentateur vedette de la chaîne ultra-conservatrice Fox News assurait que des membres du congrès avaient été mis dans la confidence la veille du lancement imminent d’une guerre et que Donald Trump en informerait le pays le soir même.

Donald Trump a finalement parlé de la préoccupation principale des Américains – leur pouvoir d’achat et l’inflation – pour dénier leur ressenti et nier les chiffres. Depuis plusieurs semaines, les républicains au pouvoir sont acculés : leurs promesses de faire reculer l’inflation et d’améliorer le pouvoir d’achat des Américains se sont dissoutes dans la réalité des chiffres. Le thème de l’ « affordability » (la capacité d’accéder à des biens et services) est devenu central.

Zohran Mamdani en a fait le moteur de sa campagne victorieuse lors de l’élection municipale à New York et les démocrates ont surfé sur la vague pour remporter les postes de gouverneur en Virginie et dans le New Jersey, début novembre. Les candidats du GOP (Grand Old Party, le surnom du parti républicain) ont perdu pied avec l’électorat latino, dont une frange avait été séduite en novembre 2024 par les promesses économiques du candidat Trump.

Redevenu président, ce dernier accuse un taux d’approbation parmi les plus bas pour un président à ce stade de son mandat. Selon une enquête d’opinion PBS News/NPR/Marist publiée mercredi, 61 % des Américains jugent que la conjoncture ne leur est pas favorable personnellement.

« Il y a onze mois, j’ai hérité d’un merdier et je suis en train de le réparer », a-t-il tenté de faire valoir, accusant encore une fois Joe Biden de lui avoir laissé une économie « en ruine » et assurant même que la réparation est presque terminée puisque « nous sommes le pays le plus en vogue au monde, et c’est ce qu’ont déclaré tous les dirigeants avec lesquels je me suis entretenu au cours des cinq derniers mois. » Hormis l’ancien président démocrate, Donald Trump a accusé une « invasion » d’immigrés d’être responsable d’avoir créé une crise du logement, « volé » des emplois et « submergé » les hôpitaux.

Au-delà de la traditionnelle rhétorique nationaliste et raciste, le milliardaire de 79 ans n’avait rien d’autre à opposer que de nouvelles promesses : baisse spectaculaire à venir du prix de l’électricité tout comme celui des taux d’emprunt et plus généralement « un boom économique comme le monde n’en a jamais connu ». Son discours de 18 minutes n’a contenu qu’une seule annonce concrète : l’envoi d’un chèque de 1 776 dollars (référence à la date de la déclaration d’indépendance) mais seulement aux militaires, soit 1,4 million de personnes.

Le président états-unien appelle cela « dividende de guerre ». Certains pourront y voir une prime de motivation avant une éventuelle opération militaire au Venezuela. D’autres, une gratification pour une institution instrumentalisée, via l’envoi de la garde nationale en Californie et dans la capitale fédérale, Washington D.C.

En tout cas, les dizaines de millions de salariés qui disent ne pas arriver à joindre les deux bouts devront se consoler avec le panorama d’une économie fictive qui de toute façon ne fonctionne pas pour eux. Quant au mystère du timing de cette allocution présidentielle, il sera peut-être résolu dans les jours qui viennent.

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