Une élection présidentielle ? Ah bon ! Quand ça ? Où ça ?

 

Cela fait désormais huit jours que je me trouve aux Etats-Unis et j’en viens finalement à me poser de question : me suis-je trompé de pays ? Ou de saison ? Une élection présidentielle va-t-elle bien se dérouler ici dans quelques semaines ? Si l’on fait abstraction de la télévision, franchement, on peut en douter. Rien de palpable dans l’atmosphère pas plus que dans le concret de la vie quotidienne. L’explication est finalement simple : je viens de passer huit jours non pas dans l’Amérique qui s’en fout mais dans l’Amérique qui ne décidera pas du sort d’Obama et de Romney. J’ai commencé par le Connecticut : victoire d’Obama assurée (60% en 2008). J’ai poursuivi par le Vermont : victoire d’Obama assurée (67% en 2008). Je suis maintenant au Texas : victoire de Romney assurée (55% pour McCain en 2008). Les jeux sont ainsi faits pour une quarantaine d’Etats : les côtes ouest et est seront « bleues » (couleur qui représente le parti démocrate) tandis que le Sud et les grandes plaines se mettront au « rouge » (la couleur, eh oui, du parti républicain). Le suspense ne demeure que dans les fameux « swing states » (Etats indécis) que l’on nomme également les « battleground (champ de bataille) states ». Selon le site Real Clear Politics, ils sont au nombre de onze (et encore avant qu’Obama ne se rate dans le premier débat, ils n’étaient que sept): Nevada, Colorado, New Hampshire, Wisconsin, Pennsylvania, Iowa, Missouri,  Virginie, Caroline du Nord et, bien sûr, les incontournables Ohio et Floride.

C’est un peu pareil en France, objecterez-vous : on sait que la Seine-Saint-Denis va voter à gauche et les Alpes-Maritimes à droite, tandis que la Corrèze ou l’Hérault demeurent des départements indécis. Oui, sauf que chacun des suffrages (de droite dans le 93 comme de gauche dans le 06) au final, compte. Ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis avec le système du collège électoral. Chaque Etat élit un certain nombre de « grands électeurs », déterminé en fonction de son poids démographique. L’élection se déroule en un seul tour sur le mode du « winner take all » (le vainqueur remporte tout) : même avec une seule voix d’avance, on rafle la mise. Tous les électeurs démocrates du Texas, deuxième Etat américain par sa population (25 millions d’habitants), pourraient rester à la maison que cela ne ferait aucune différence.

On voit bien que ce système est né à la fois dans la double volonté du fédéralisme et du bipartisme (n’oublions pas qu’à l’origine de la République américaine née contre la monarchie anglaise, le bipartisme était d’abord une garantie d’assurer les droits de l’opposition donc de démocratie). Mais pour certains, le temps est venu d’en changer. Ils ont lancé une campagne (http://www.nationalpopularvote.com/) visant à faire prévaloir dans les faits le suffrage universel (le dernier exemple en date concerne évidemment l’élection de « W. » Bush en 2000 devancé sur le plan national de 500.000 voix par Al Gore). Chris Pearson, l’un des leaders du parti progressiste du Vermont, en est également l’une des chevilles ouvrières. Il explique : « D’abord, c’est un principe démocratique de départ – « Un homme, une voix » – qui n’est pas respecté par le système du collège électoral. Cela a ensuite des effets négatifs sur le plan électoral. Sur le plan électoral, on voit bien que les candidats ne mènent vraiment campagne que dans une poignée d’Etats. Quant à moi, militant, je dois aller dans le New Hampshire car la course est jouée dans le Vermont, c’est un peu stupide. Mais on ne souligne pas assez les conséquences politiques désastreuses du système. En 2008, McCain s’est prononcé pour l’exploitation « off shore » du pétrole car il savait qu’il n’avait rien à perdre dans les Etats concernés, tous côtiers, par définition, et tous des places fortes démocrates. Mais Obama a fait la même chose pendant son mandat en prenant des décisions en fonction de son intérêt politique dans tel ou tel Etat. C’est le système qui est pervers. »

La loi de réforme électorale a été formellement adoptée dans neuf Etats (Vermont, Maryland, Washington, Illinois, New Jersey, District of Columbia, Massachusetts, Californie et Hawaï). Ils représentent 132 grands électeurs. Afin que la réforme devienne la nouvelle loi, il faut que des Etats représentant 270 grands électeurs (soit la majorité requise pour être élu président) l’adoptent. On en est donc à la moitié du chemin. La loi a passé l’étape des deux chambres dans une deux Etats et attend la signature du gouverneur et a été adoptée par au moins une chambre (Sénat ou Chambre des représentants) dans une dizaine d’autres d’Etat. Le chemin est encore long. Qui sait, un jour, on brûlera pour l’élection présidentielle aussi au Vermont, dans le Connecticut et au Texas …

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