Que fera Obama de sa victoire ?

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Les électeurs du « Yes, we can » ont finalement décidé de ne pas se laisser voler leur victoire de 2008 en laissant des Républicains, plus extrêmes que jamais, revenir à la Maison Blanche. Ils se sont rendus aux urnes en plus grand nombre que ne le laissaient présager les sondages. Barack Obama devance ainsi de plus d’un million de voix Mitt Romney, ce qui lui permet de remporter l’immense majorité des « swing states » et d’être largement majoritaire dans le collège électoral (303 à 206, en attendant la fin du décompte en Floride). Les premières enquêtes montrent que le président doit sa réélection à la mobilisation des jeunes et des Latinos, dont le rôle politique ne pourra se limiter à sauver tous les quatre ans la mise des démocrates…

C’est à la fois une sacrée victoire et une sacrée défaite. Le sens du scrutin du mardi 6 novembre tient en cette réalité gémellaire. Une sacrée victoire, évidemment, pour Barack Obama dont on ne peut contester qu’il a hérité de l’une des pires situations de l’Histoire du pays, entre la Grande Récession et deux guerres en cours. Une sacrée défaite, de manière toute aussi évidente, pour les Républicains et leur candidat, Mitt Romney. Ils s’étaient jurés, en prenant possession de la Chambre des représentants en 2010, de faire d’Obama « le président d’un seul mandat ». Ils ont échoué. Pire, pour le Grand Old Party : depuis la fin de la guerre froide, son candidat n’a obtenu l’assentiment de la majorité des électeurs qu’à une seule reprise, en 2004, pour la réélection de George W. Bush, en plein choc post-traumatique collectif. A cinq reprises, désormais (1992, 1996, 2000, 2008 et 2012), une majorité des votants lui ont préféré le représentant de son adversaire séculaire.

La question est désormais de savoir ce que le président réélu compte faire de sa victoire. Si le vote de mardi change beaucoup de choses puisqu’il le relégitime, il lui offre paradoxalement le même paysage parlementaire. Les Républicains gardent leur majorité – même légèrement amoindrie – à la Chambre des représentants tandis que les démocrates renforcent leur contrôle sur le Sénat.

Comme on se doute trop de ce que les républicains feront eux de leur victoire – l’ignorer voire la dénier, blâmer Romney puis poursuivre leur dérive -, Obama devra, jusqu’aux prochaines élections parlementaires en 2014, affronter leur obstruction. Comment y fera-t-il face ? Par la recherche illusoire du consensus, véritable constante de son premier mandat ? Sortira-t-il du jeu washingtonien que les Américains, autant ceux de droite que de gauche, vomissent ?

Pour situer l’enjeu, il faut refaire un peu d’Histoire, comme nous y invite l’intellectuel new-yorkais, Eli Zaretsky, dans son récent ouvrage « Left ». Il rappelle qu’à chacune des grandes crises du pays (l’esclavagisme, la crise économique de 1929 et ses suites, les années 60), la gauche a joué un rôle central dans le contenu des réponses apportées (l’abolition, le New Deal, les transformations culturelles). Son analyse : les Etats-Unis traversent une quatrième grande crise qui nécessite l’émergence d’une quatrième gauche. Coupons court aux éventuelles spéculations : Barack Obama ne sera jamais l’incarnation de cette gauche. Au mieux, il pourrait s’appuyer sur les acteurs et les mouvements progressistes de la société dont les référendums locaux ont encore montré à quel point ils comptaient dans ce pays. Il devrait commencer par faire son deuil du grand mythe du consensus. Lincoln a-t-il aboli l’esclavage par consensus ? Lyndon Johnson a-t-il signé la loi sur les droits civiques suite à un consensus ? La première décision de Roosevelt ? Fermer les banques, faire voter une loi régulatrice et les y soumettre. A rebours, le premier geste de Reagan ? Virer les contrôleurs aériens en grève. Aucune « révolution » américaine n’a germé dans une chimère « bipartisane ».

En lui confiant un second mandat, malgré certaines déceptions ou récriminations, le « peuple de 2008 » a envoyé un double message : le refus absolu des recettes républicaines et, en miroir, l’appel à des solutions aux problèmes du pays. Lors de son discours, à Chicago, mercredi matin, Barack Obama a assuré que la mobilisation des électeurs démocrates et cette campagne le rendaient « plus déterminé et inspiré que jamais ». Il avait grandement raison d’insister sur l’incroyable travail militant et l’organisation huilée qui lui ont sans doute permis de décrocher ce second mandat. Une question, encore une, mais la plus candide de toutes, consume notre plume : pourquoi n’utiliser cette force qu’une fois tous les quatre ans ?

Son premier test se profile déjà à l’horizon: la « falaise fiscale ». La formule renvoie à la question de l’endettement et au compromis passé en août 2011 entre démocrates et républicains qui arrive à expiration le 31 décembre. Si aucun nouvel accord n’est trouvé, un mécanisme dit « de séquestration » entrera automatiquement en vigueur le 1er janvier : expiration des réductions d’impôts pour les plus riches décidées sous Bush comme de la baisse de cotisations sociales incluses dans le plan de relance d’Obama ainsi que des coupes dans le budget de la défense et des programmes sociaux. Un banc d’essai grandeur nature pour « Obama II ».

Article publié dans l’Humanité dimanche du 07 novembre

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