Article publié dans l’Humanité du 27 juillet 2016
Prononçant un discours au premier soir de la convention démocrate, le sénateur socialiste a confirmé son soutien à Hillary Clinton, préalable selon lui à des changements profonds.
Un socialiste déclaré qui entre sur scène le poing brandi pour le discours-phare de la première soirée de la convention du parti démocrate. Qui reçoit une « standing ovation » pendant plusieurs minutes. A n’en plus douter, le parti de l’âne change et la politique américaine avec lui. Et Bernie Sanders a assuré au public et au pays qu’elle devait continuer à changer : « Nous avons commencé une révolution politique pour transformer l’Amérique et cette révolution – notre révolution – continue ». « Les élections vont et viennent. Mais la lutte du peuple pour créer un gouvernement qui nous représentent tous et pas le 1% – un gouvernement fondé sur les principes de justice économique, sociale, raciale et environnementale -, cette lutte continue. Et je suis impatient de faire partie de cette lutte avec vous», a-t’il ajouté en introduction de son discours, certainement l’un des plus importants mais également l’un des plus périlleux de son long parcours politique.
Il s’agissait pour cet « outsider » de confirmer officiellement son soutien à Hillary Clinton – ce qu’il avait fait pour la première fois le 12 juillet dans le New Hamsphire – sans rien céder sur le fond de sa démarche, tout en ayant à l’esprit qu’une frange de ses électeurs ne se résigne toujours pas à glisser un bulletin « Clinton » dans l’urne le 8 novembre prochain. Les plus engagés dans cette logique du « Jamais Hillary » avaient d’ailleurs pris position, dès le début d’après-midi, à l’extérieur du Wells Fargo Center de Philadelphie et manifestaient avec force leur opposition à l’ancienne secrétaire d’Etat. Au sein même de l’enceinte, des soutiens de Bernie Sanders portaient des signes hostiles à la nominée. Au-delà du noyau dur des « Bernie or Bust » (Bernie ou rien), une part importante des électeurs du sénateur de 74 ans, notamment les jeunes, hésitent encore quant à l’attitude à adopter lors du scrutin présidentiel. Voter Clinton pour faire barrage à Trump ? Voter en accord avec ses idées et porter sa voix sur Jill Stein, la candidate écologiste ? S’abstenir ?
Les plaies et blessures des longs mois de primaires ont été ravivées ces derniers jours par la publication de dizaines de milliers d’emails échangés entre membres de la direction du parti démocrate. Ces fuites mettent en lumière la partialité de celle-ci, pourtant supposée rester neutre. La présidente du parti démocrate, la députée de Floride, Debbie Wasserman-Schultz, a annoncé sa démission, que le camp Sanders réclamait depuis de long mois, tant il était évident qu’elle pesait de tout son poids en faveur d’Hillary Clinton. Les preuves sont désormais là. Et elles sont parfois cruelles. Ainsi, à la veille du vote dans deux Etats du Sud, un responsable de la communication évoque l’idée de susciter un article de presse suggérant que Sanders, qui avait déclaré qu’il vivait sa judaïté de manière non-religieuse, était en fait un « athée ». Des excuses officielles ont été présentées à Bernie Sanders mais le scandale confirme, pour nombre de ses partisans, que les dés étaient pipés. A ceux-là, le sénateur du Vermont a dit lundi soir : « Je comprends que beaucoup de personnes ici et dans le pays sont déçus par le résultat finale du processus de nomination. Je pense qu’il est juste de dire qu’il n’y a pas plus déçu que moi. »
Surtout, il leur a opposé une stratégie politique dans laquelle vient s’insérer son soutien à Hillary Clinton. Non l’inverse. « Cette élection n’est pas et n’a jamais été à propos d’Hillary Clinton, de Donald Trump ou de Bernie Sanders, a-t’il expliqué (…) Cette élection porte sur les besoins du peuple américain et sur le type de futur que nous créons pour nos enfants et petits-enfants.» Il fallait lire entre les lignes : voter Clinton, c’est préserver la possibilité d’une révolution politique qui ne pourra en aucun cas survenir sous une présidence Trump. En cédant sur un certain nombre de points programmatiques (abolition de la peine de mort, SMIC à 15 dollars, plan vers la gratuité des universités publiques), la candidate démocrate a donné des « gages » aux 13 millions d’électeurs de Sanders, sésame pour la Maison Blanche. Etant donnés les doutes récurrents et les divisions persistantes, il en faudra encore certainement d’autres pour convaincre les « sandernistas ».