(Article publié dans l’Humanité du 2 janvier 2019)
La déclaration de candidature d’Elizabeth Warren, figure de l’aile progressiste, a donné le coup d’envoi à la course à l’investiture démocrate. D’autres déclarations vont suivre dans les prochaines semaines dont certainement celle de Bernie Sanders.
La course à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle qui se tiendra le mardi 3 novembre 2020 a commencé alors que 2018 n’était pas encore terminée. La sénatrice Elizabeth Warren a annoncé, lundi, le lancement d’un comité exploratoire qui ne laisse aucun doute quant à son intention de se présenter. Agée de 69 ans, sénatrice du Massachussetts depuis 2013, elle a posté une vidéo dans laquelle elle a développé ce qui sera, à n’en pas douter, l’axe central de sa campagne. « La classe moyenne américaine est la cible d’une attaque », a-t-elle lancé. Comment en sommes-nous arrivés là? Les milliardaires et les grandes sociétés ont décidé qu’ils voulaient une plus grande partie du gâteau et ont chargé la classe politique de leur en couper une plus importante ».
L’ancienne professeur de droit à Harvard a, de longue date, mené un combat contre Wall Street. En 2008, Barack Obama l’avait nommée à la tête du comité de suivi de l’immense plan de sauvetage voté après le krach, veillant à l’utilisation des fonds publics par les « big players ». En 2010, elle est devenue présidente d’une nouvelle agence de protection des consommateurs, cauchemar des milieux d’affaires et des entreprises peu scrupuleuses. Ce n’est que deux ans plus tard qu’elle se lance dans l’arène électorale et devient sénatrice. En 2016, nombre de militants et responsables progressistes et de gauche l’avaient invitée à se déclarer candidate. Face à sa fin de non-recevoir, une immense majorité avait alors rejoint Bernie Sanders. Elisabeth Warren s’est d’ailleurs fendue d’un coup de fil à son collègue sénateur afin de lui livrer, en avant-première, ses intentions. Y aura-t-il concurrence entre les deux figures dominantes de la gauche américaine ? Dès octobre, Bhaskar Sunkara, rédacteur-en-chef du magazine Jacobin, livrait son opinion dans une tribune publiée par The Guardian, sur ce « duel » : « Les deux ne sont pas les mêmes et bien que Warren est une alliée de nombre de causes progressistes, la meilleure chance que nous avons non pas seulement de construire de meilleures politiques, mais reconfigurer la politique américaine repose dans la candidature de Sanders à l’investiture démocrate puis à la présidence. »
Bernie Sanders dispose de l’expérience de sa campagne de 2016, d’une popularité toujours au diapason, et d’une force militante unique. Seul son âge (77 ans) peut l’empêcher d’envisager la primaire comme une «voie royale. » Le chemin est encore long avant le premier vote qui n’interviendra qu’en février 2020 dans le New Hampshire. D’ici là, cette campagne ultra-précoce aura permis de décanter une situation qui verra sans doute s’affronter plus d’une dizaine de candidats. Avec le tempo imposé par Warren, d’autres concurrents vont sans doute hâter leur entrée en piste. La mode de la saison des primaires semble être au sénateur. Trois d’entre eux sont donnés partants : Kamala Harris (54 ans, Californie), Kirsten Gillibrand (52 ans, New York) et Cory Booker (49 ans, New Jersey). La candidature de l’ancien vice-président Joe Biden (76 ans) pourrait s’avérer décisive dans la clarification. Il serait susceptible d’unifier l’establishment clintono-obamien qui tient le parti démocrate depuis près de 25 ans. Face à lui, l’« aile gauche » pourrait alors aussi s’unifier. Derrière Warren ou Sanders ?