Joe Biden ou le pari de la coalition « attrape tout »

Alors que s’ouvre aujourd’hui la convention démocrate à Milwaukee, la direction du parti a clairement choisi de faire de l’antitrumpisme le seul vecteur de rassemblement autour de la candidature de l’ancien vice-président de Barack Obama. (Article publié dans l’Humanité du 17 août 2020.)

Que feront de commun aujourd’hui le premier candidat autoproclamé socialiste à la présidence des Etats-Unis et un ancien candidat du parti républicain à la même fonction ? Ils appelleront tous deux à voter pour Joe Biden, le 3 novembre prochain. Assurément, Bernie Sanders et John Kasich le feront de façon différente et pour des raisons divergentes. Mais l’inscription de ces deux orateurs dès la première journée d’une convention très spéciale (la première de l’Histoire en l’absence physique de délégués), donne le ton de ce que l’establishment a choisi comme stratégie. Aux Etats-Unis, on appelle cela la « big tent », soit une coalition qui rassemble des personnes aux points de vue souvent, si ce n’est tout le temps, opposés. En l’occurrence, on entendra aujourd’hui un sénateur socialiste favorable à un système de santé universel, à la gratuité des  études supérieures dans les universités publiques, à l’alourdissement des impôts pour les plus riches et à la création d’un impôt sur la fortune clore la première journée au cours de laquelle se sera exprimé un ancien député et gouverneur républicain…opposé à toutes ces propositions. Cette « big tent » 2020 ne dispose que d’une seule une poutre-maîtresse: l’anti-trumpisme. Cela sera-t-il suffisant pour vaincre Donald Trump le 3 novembre prochain ? Le parti démocrate ne commet-il pas la même erreur qu’en 2016 où, au cours d’une campagne molle et centriste, Hillary Clinton avait tenté, en vain, de capitaliser le rejet personnel et politique d’un milliardaire nationaliste jamais élu ? Le pari des élites du parti de l’âne repose sur le fait que le bilan de trois années de présidence ultra-droitière et chaotique suffira à convaincre, d’un côté, les électeurs de l’aile gauche de ne pas mégoter et, de l’autre, les derniers républicains modérés de se décrocher d’un bloc trumpiste de plus en plus ouvertement nationaliste voire suprémaciste blanc. Les enquêtes d’opinion indiquent, pour l’instant, que cette stratégie fonctionne : Joe Biden distance Donald Trump de 8 points dans les sondages nationaux et de près de 5 points dans les fameux « swing states » qui feront pencher la balance dans quelques mois. D’une certaine façon, l’ancien vice-président de Barack Obama a déjà testé une parti de son dispositif lors de la primaire, en forgeant son « comeback » en Caroline du Sud grâce aux électeurs africains-américains puis en portant un coup décisif à Bernie Sanders lors du « super Tuesday » en attirant foule d’électeurs républicains modérés des banlieues blanches. Demeure l’inconnue de la mobilisation d’une jeunesse, clé de la victoire de Barack Obama en 2008 puis de l’émergence politique de Sanders en 2016, située bien plus à gauche que ses aînés. Joe Biden leur a envoyé très peu de signes, si ce n’est aucun. Il a choisi la « modérée » Kamala Harris plutôt que la progressiste Elizabeth Warren comme colistière tandis que la plateforme du parti démocrate n’intègre pas, à cette heure, les propositions-phares de Bernie Sanders. Et c’est peut-être le débat  le programme officiel qui empêchera la convention de se dérouler au millimètre consensuel. Selon les derniers décomptes, 700 des 1000 délégués dont dispose Bernie Sanders (Joe Biden en dispose de 2700 pour une majorité établie à 1900) refusent de voter le texte en l’état. Cela ne l’empêcherait certes pas d’être adopté mais gâcherait la fête consensuelle si ce n’est œcuménique tant souhaité par l’establishment. Une manifestation est également prévue en dehors du centre de convention de Milwaukee à l’appel d’une organisation qui demande une réforme de la police, sujet sur lequel Joe Biden s’est montré d’une grande prudence, s’insurgeant contre les violences policières après le meurtre de George Floyd mais refusant d’envisager des réformes radicales comme le « définancement » ou la réorganisation des services de police locaux. La convention démocrate pourrait avoir à affronter Donald Trump lui-même qui envisage de tenir un meeting, cette semaine, dans le Wisconsin, un Etat qu’il a remporté avec 10.000 voix en 2016 et dans lequel il est crédité de cinq points de retard sur Joe Biden.

 

 

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