Trump tente de plonger l’Ukraine et le monde dans un nouvel ordre

En mettant en scène le lâchage de l’Ukraine, le président américain acte sa volonté de plonger le monde dans un nouvel ordre où la prédation prime sur le droit. (Article publié dans l’Humanité du 3 mars 2025.)

Les images ont filé tout droit dans les archives, devenant historiques à l’instant même où elles étaient diffusées. En mondovision, le chef d’un État souverain – Volodymyr Zelensky – a été humilié par le président et le vice-président de la principale puissance mondiale – Donald Trump et J. D. Vance. Cela ressemblait presque à une scène de cour d’école où un gamin auquel on a volé une partie de ses billes se fait admonester par le surveillant général et son adjoint : « Il va falloir dépasser cela. »

Même les scénaristes à l’imagination foisonnante de la série West Wing n’avaient osé l’imaginer. Un sacré « moment de télévision », a lâché Donald Trump, toujours prompt à assurer le service après-vente de ses propres prestations. « Depuis que la diplomatie existe, il n’y a pas eu de scène aussi grotesque et irrespectueuse que celle qui s’est déroulée dans le bureau Ovale », a réagi le président brésilien Lula, dont les relations avec son homologue ukrainien sont pourtant orageuses. La portée de l’affaire dépasse évidemment celle d’une algarade, fut-elle la plus médiatisée de ces dernières années. Elle constitue sans doute le marqueur d’une nouvelle ère des relations internationales.

Le président ukrainien a payé cash sa « naïveté »

Volodymyr Zelensky avait, semble-t-il, encore quelques illusions sur la position de l’administration Trump. Au point de venir à Washington quémander un soutien et provoquer une rencontre dans le bureau Ovale devant les caméras afin de mettre en scène ce qu’il pensait pouvoir obtenir.

Le président ukrainien a payé cash sa « naïveté ». Manifestement pas préparé à ce « traquenard », il a balbutié quelques phrases de peu de portée, se perdant dans un combat déséquilibré avec ses hôtes et échouant à rappeler quelques évidences, à commencer par celle du droit international bafoué.

Ce que disent ces longues minutes est assez simple : depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump ne bluffait pas. On a assisté en direct, comme l’a souligné sur X Corentin Sellin, spécialiste des États-Unis, « à la matérialisation d’un changement d’alliance, au moins sur l’Ukraine. Les États-Unis de D. Trump (et J. D. Vance) sont alignés sur les positions de Poutine ».

D’une pierre – un cessez-le-feu ou un accord global –, le président nationaliste veut faire plusieurs coups. En reprochant à Volodymyr Zelensky de jouer « avec la troisième guerre mondiale » et « avec la vie de millions de personnes », il espère apparaître comme le « pacificateur » qu’il a promis d’être lors de son discours d’investiture. Ce vernis pacifiste masque (mal) un premier objectif : profiter de l’extrême position de faiblesse de l’Ukraine pour se livrer à une extorsion à grande échelle – rarement vu, si ce n’est jamais, dans l’histoire des relations internationales.

En contrepartie du maintien de l’aide économique et militaire états-unienne, sans laquelle l’Ukraine s’effondrerait certainement en quelques semaines, Donald Trump exige la possession de terres rares sur le sol ukrainien. Un accord « préliminaire » entre les deux pays a été élaboré mais finalement pas signé, en raison de l’altercation du bureau Ovale. Il prévoit la création d’un « fonds d’investissement » pour la reconstruction de l’Ukraine, auquel chacun des deux pays abonderait à hauteur de 50 %.

Celui-ci fonctionnerait en fait comme une pompe aspirante des recettes des ressources minérales ukrainiennes vers Washington. Si Volodymyr Zelensky déclarait mercredi dernier à la BBC qu’il était « trop tôt pour parler d’argent », Donald Trump, lui, ne fait que cela. Il a placé la barre à 300 milliards de dollars afin que les États-Unis puissent « récupérer » l’argent versé à l’Ukraine depuis l’agression russe, en février 2022.

De Gaza à Kiev, la violation du droit international est valorisée

Comme à son habitude, le président américain ment éhontément pour arriver à ses fins et évoque les 350 milliards de dollars versés par les États-Unis à l’Ukraine en trois ans – un montant fantaisiste que Volodymyr Zelensky a manqué encore une fois de réfuter vendredi.

En fait, le Congrès des États-Unis a validé cinq paquets d’aides financières et militaires pour un total de 175 milliards de dollars, dont une partie seulement (106 milliards) a été allouée directement au gouvernement ukrainien, le reste ayant financé des… entreprises d’armement américaines qui fournissent l’Ukraine.

Au-delà de ce racket, quelle est la visée stratégique de Donald Trump ? En s’alignant sur Vladimir Poutine, tente-t-il d’affaiblir le lien entre la Russie et la Chine, ce dernier pays étant considéré comme le principal défi auquel doit faire face la puissance américaine en ce XXIe siècle ? « Cela reflète une incompréhension flagrante de la relation entre Xi et Poutine et la dépendance actuelle de la Russie à l’égard de la Chine. Poutine ne va pas rompre avec Xi pour parier sur un Trump qui ne sera plus au pouvoir dans quelques années et sur une politique américaine imprévisible. Donc, même s’il y a un plan géopolitique derrière, il est complètement erroné », décrypte, pour le Figaro, Steven Pifer, ancien ambassadeur américain en Ukraine, et analyste pour la Brookings Institution.

Autre hypothèse : le milliardaire au nationalisme exacerbé construit pas à pas une sorte d’ « internationale réactionnaire ». La formule peut paraître éculée ou paresseuse mais elle permet de mettre en lumière un processus réellement en cours. En proposant de vider Gaza de ses habitants pour en faire une « Riviera du Moyen-Orient », Donald Trump lâche la bride sur le cou de la coalition d’extrême droite au pouvoir à Tel-Aviv qui n’en espérait pas tant et comble le « bloc évangélique » américain, matrice de la coalition républicaine.À Munich, J. D. Vance est venu tancer les Européens pour leurs politiques de « modération » des propos haineux, racistes et antiféministes tout en conseillant aux Allemands de mettre fin au « cordon sanitaire » contre l’extrême droite, deux « mantras » de la fachosphère US, avec Elon Musk en porte-parole.

Et, désormais, le pouvoir poutinien se verrait récompenser de son agression militaire qui a provoqué la mort de centaines de milliers de personnes. Ici encore, l’écho intérieur américain est audible, la Russie devenant synonyme pour la base « Maga » (Make America Great Again) de rempart anti-woke et de fortin des valeurs chrétiennes.

De Gaza à Kiev, la violation du droit international est non seulement acceptée mais valorisée tandis que les principaux amis des États-Unis se retrouvent en tête de la liste des personnes recherchées par la CPI et que les « alliés » traditionnels, notamment européens, sont invités à se débrouiller seuls.

À Washington, les maîtres mots sont « force » et « unilatéralisme »

Un nouveau paradigme des relations internationales émerge, comme l’a constaté sur CNN, Rahm Emanuel : « C’est désormais la prédation contre les principes. » L’ancien chef de cabinet de Barack Obama et ancien ambassadeur au Japon veut certes croire que l’Amérique se trouvait toujours du côté des « principes » (ce que les faits historiques contestent, du Chili de Pinochet à la guerre en Irak lancée par George W. Bush).

Mais l’Amérique assume désormais de diriger le camp de la prédation, ce qui induit de remettre en question l’architecture de sécurité que l’Amérique de Franklin Delano Roosevelt avait conçue. Dans un monde « multipolaire », le multilatéralisme est vu comme une entrave au libre exercice de la puissance américaine. À Washington, les maîtres mots sont « force » et « unilatéralisme ».

Ce virage sur l’aile ne va pourtant pas sans turbulences. Si le nouveau pouvoir américain veut se délier des engagements collectifs, il devra néanmoins préserver son système d’alliances qui lui donne un avantage concurrentiel majeur par rapport à Pékin. Les Européens, abandonnés en rase campagne, décideront-ils enfin de bâtir une autonomie stratégique ?

Enfin, la réaffirmation brutale de l’hégémonie des États-Unis via la méthode Trump peut conduire à son isolement croissant sur la scène internationale. Le soutien inconditionnel de Joe Biden à Benyamin Netanyahou et sa guerre totale menée à Gaza avait déjà contribué à saper l’autorité (ou ce qu’il en restait) du « phare de la démocratie » sur la scène internationale. Un pays qui menace ses partenaires (Mexique, Canada), délaisse ses alliés (Europe) et lâche un pays agressé (Ukraine) ne peut plus se parer de faux-semblants moraux. Il est nu. Roi, mais nu.

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J.D. Vance annonce le retour du « shérif » américain

Le vice-président états-unien a transformé son discours, prononcé vendredi lors de la conférence de Munich sur la sécurité, en réquisitoire contre l’Europe et en véritable manifeste de l’internationale réactionnaire. (Article publié dans l’Humanité du 17 février 2025.)

Plus qu’une leçon, un véritable manifeste. Une déclaration de guerre idéologique, même. J. D. Vance a profité de la conférence de Munich sur la sécurité pour défier l’Europe et la prévenir de jours de conflits. Quelques heures après le coup de fil de Donald Trump à Vladimir Poutine et l’évocation de conditions favorables à Moscou, le vice-président américain était attendu sur l’Ukraine. Il a à peine mentionné le sujet, ravalé au rang de question secondaire.

En revanche, il a transformé son intervention en réquisitoire contre ce qu’est devenue, à ses yeux d’idéologue d’extrême droite, l’Europe : « La menace qui m’inquiète le plus en Europe n’est ni la Russie, ni la Chine, ni celle d’aucun autre acteur extérieur. Ce qui m’inquiète, c’est la menace venant de l’intérieur. C’est le recul de l’Europe par rapport à certaines de ses valeurs les plus fondamentales, les valeurs qu’elle partage avec les États-Unis d’Amérique. »

Le « free speech » comme prétexte

« La liberté d’expression, je le crains, est en recul », a-t-il accusé, devant un auditoire médusé qui n’a manifestement pas encore pris la mesure de la portée du nouvel âge des relations diplomatiques qu’entend ouvrir le trumpisme décomplexé.

Ce que le bras droit de Donald Trump catégorise comme des attaques contre le « free speech » relève, en fait, de lois de pays européens qui considèrent certaines actions non comme l’expression d’opinions mais comme des délits. La liste dressée par l’ancien sénateur de l’Ohio et très proche de Peter Thiel, le techno-libertarien membre de la « PayPal Mafia », est éloquente.Il a cité le cas d’un militant chrétien « condamné par le gouvernement » suédois (en fait, la justice) pour avoir participé à des autodafés du Coran. Puis celui d’Adam Smith Conner, activiste chrétien anti-avortement anglais, ayant contrevenu à une loi dite des « zones tampons » (« Buffer Zones Law »), qui interdit à quiconque d’influencer la décision d’une personne dans un rayon de 200 mètres autour d’un établissement pratiquant l’avortement.

Enfin, il a évoqué l’Allemagne, « où la police a procédé à des descentes chez des citoyens soupçonnés d’avoir posté des commentaires antiféministes en ligne ». Dans le monde de J. D. Vance, chacun a le droit d’émettre des opinions racistes et misogynes.

Une nouvelle ingérence trumpiste dans les élections législatives allemandes

Le vice-président des États-Unis a également expliqué aux dirigeants européens comment ils devaient agir avec leurs propres extrêmes droites. À commencer par le pays hôte de la conférence, l’Allemagne. « Ce à quoi la démocratie allemande (…) ne peut survivre, c’est de dire à des millions d’électeurs que leurs pensées et leurs préoccupations (…) ne méritent même pas d’être prises en considération », a martelé J. D. Vance, qui a joint les actes aux paroles, en rencontrant, en marge de la conférence, la candidate de l’AfD, Alice Weidel, avec laquelle Elon Musk avait déjà échangé lors d’une émission sur X, la présentant comme la seule « solution » d’avenir pour la première puissance européenne.

Une ingérence manifeste qui a conduit à un fait rarissime : l’expression publique du chancelier allemand contre le représentant d’une administration américaine. « De l’expérience du national-socialisme, les partis démocratiques en Allemagne ont tiré un consensus général : c’est le mur pare-feu (l’équivalent d’un cordon sanitaire – NDLR) contre les partis d’extrême droite », a rappelé Olaf Scholz sur X.La deuxième grande menace définie par le colistier de Donald Trump ? Sans surprise : « Les migrations de masse ». Là encore, il a fustigé les « décisions conscientes prises par des responsables politiques à travers le continent et le monde, durant toute une décennie ». Et d’ajouter, dans une exploitation traditionnelle de l’extrême droite : « Nous avons vu les horreurs engendrées par ces décisions hier même dans cette ville. »

Référence à l’attentat à la voiture bélier menée à Munich par un réfugié afghan de 24 ans. Les élites politiques sont tenues pour responsables de cette situation puisque « aucun électeur sur ce continent ne s’est rendu aux urnes pour ouvrir les vannes à des millions d’immigrés sans contrôle ».

Le message ne pouvait être plus clair : « Il y a un nouveau shérif à Washington » et il ne ressemble pas tout à fait à ses prédécesseurs. Le Parti républicain est désormais plus libertarien que libéral (au sens européen du terme). Le multilatéralisme n’en a plus pour longtemps, déjà fissuré par les coups de boutoir de Washington, qui fait cavalier seul.

À titre d’exemple, les pays européens ne sont pas conviés à la table des « négociations » pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Ils sont juste invités à assurer le « service après-vente », en acceptant l’Ukraine au sein de l’Union européenne et en gonflant les dépenses d’armement afin de subvenir à leur propre défense.

La règle de non-ingérence n’a plus cours et la notion d’« alliés » semble démonétisée, au profit d’un nouveau paradigme qui émerge avec la primauté accordée par les États-Unis à l’internationale réactionnaire, y compris au cœur du Vieux Continent. L’offensive se fait à découvert, ce qui lui donne l’apparence d’un rouleau compresseur, mais l’expose également plus facilement à une contre-offensive.

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De Gaza à Kiev, la même méthode Trump

Unilatéralisme, soutien sans faille aux dirigeants réactionnaires, primauté de la force sur le droit : les décisions du président américain dessinent une stratégie globale cohérente pour imposer un nouvel ordre mondial autoritaire. (Article publié dans l’Humanité du 14 février 2024.)

À chaque semaine, son « plan ». Après l’avenir de Gaza, envisagé dans un délirant déplacement de masse de population pour faire place à une « Riviera du Moyen-Orient », Donald Trump a donc abattu ses cartes dans le dossier ukrainien, semblant donner quitus à Vladimir Poutine.

La fin de la guerre commencée en février 2022 n’aura pas pris 24 heures, comme il l’avait promis durant sa campagne électorale. Mais ironiser sur ce fait empêcherait de voir l’essentiel. Au-delà du comportement parfois erratique du personnage et de ses méthodes aussi peu conventionnelles qu’insaisissables, c’est une cohérence diplomatique qui commence à se dessiner. Trois traits peuvent être distingués.

L’unilatéralisme de Washington

Le premier tient au rejet du multilatéralisme et l’imposition d’une gestion unilatéraliste par Washington. En somme, le président de la principale puissance mondiale décide seul et discute, dans un déséquilibre de forces évident, avec chacun des interlocuteurs concernés et soigneusement isolés.

Donald Trump prétend ainsi régler la guerre en Ukraine sans associer les pays européens et/ou l’Union européenne. Même l’Otan est ravalée au rang de simple exécutante : les pays membres (au nombre de 32) devront envoyer des soldats sur place dans le cadre d’une « mission hors Otan », selon la savoureuse formule de Pete Hegseth, le secrétaire américain à la Défense.

On ne parle même plus de l’ONU, pourtant clé de voûte de l’architecture des relations internationales dessinée après la Seconde Guerre mondiale, condamnée à l’inaction par les divisions de la « communauté internationale » et méprisée par les adeptes de l’America First.

Une forme de racket diplomatique

Même l’Ukraine n’a pas voix au chapitre dans une « négociation » qui l’intéresse pourtant au plus haut point, puisqu’elle concerne son intégrité territoriale. En position de faiblesse, le pays dirigé par Volodymyr Zelensky paiera peut-être deux fois l’addition de l’agression russe : avec des territoires perdus au bénéfice de Moscou et avec des terres rares et riches en minerais concédées aux États-Unis en contrepartie du maintien d’une aide économique et militaire. Une forme de racket diplomatique que le « pacificateur » Trump ne prend même pas soin de déguiser.

Donald Trump décide seul… et les autres exécutent : c’est la deuxième caractéristique. Les États-Unis indiquent le cap, mais ne veulent ni cambouis ni sang sur les mains. Les autres pays sont donc « invités » à en assumer les conséquences. Au Moyen-Orient, l’Égypte et la Jordanie, deux alliés des États-Unis, sont priés d’accueillir 2 millions de Gazaouis, faute de quoi Donald Trump les frapperait au portefeuille.Si aucun GI ne sera envoyé sur les rives de la Méditerranée, il faudra bien une force capable de s’assurer de la désertification du lieu. L’armée israélienne apparaît ici comme le sous-traitant « naturel » de cet exil forcé de plus de 2 millions de personnes. Aux confins orientaux de l’Europe, c’est l’UE qui, sans avoir voix au chapitre, apprend un beau matin que l’adhésion de l’Ukraine fait partie du « deal ».

Poursuivons. Donald Trump décide seul, les autres exécutent… mais toujours au bénéfice des forces réactionnaires. Benyamin Netanyahou et Vladimir Poutine, tous deux visés par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, font figure de grands vainqueurs du retour du milliardaire dans le bureau Ovale. Jouant des muscles de la puissance américaine, Donald Trump tente d’offrir sur un plateau Gaza (et bientôt la Cisjordanie ?) à Benyamin Netanyahou et la Crimée et le Donbass à Vladimir Poutine.

Le droit international piétiné

S’appuyant sur une rhétorique « pacifique », qui rencontre un écho majoritaire dans son propre pays « vacciné » des aventures guerrières de l’ère Bush, il donne l’illusion de sortir des guerres, mais en préparant un monde plus injuste.

D’un côté, il assume de se livrer à un crime contre l’humanité que constitue un déplacement forcé de population. De l’autre, il propose d’acter, donc de valoriser, la politique de la force et du fait accompli. Dans les deux cas, le droit international est piétiné, les « règles » communes, souvent mises à mal dans le passé, carrément dépecées.

À défaut de s’envisager de nouveau comme le gendarme du monde, notion qui implique une mobilisation militaire directe, le président nationaliste veut clairement « gendarmer » le monde, s’appuyant sur la menace de ses bras armés (la prédominance économique avec un quart du PIB mondial et la plus imposante armée du monde), afin d’imposer ses diktats et, in fine, une sorte de nouvel ordre mondial où la force primera sur le droit et où l’internationale réactionnaire dictera le tempo.

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Bluff ou nouvel âge impérialiste : Trump en eaux très troubles

Après le Groenland et le canal de Panama, le président nationaliste veut faire de Gaza une propriété américaine, sans que l’on sache encore s’il y voit des leviers de négociations ou de réels projets. (Article publié dans l’Humanité du 6 février 2025.)

La stupéfiante proposition de Donald Trump concernant Gaza règle au moins une question : il n’est pas un isolationniste, adepte d’un repli de l’Amérique sur son Aventin, assistant en simple spectateur à la marche du monde. Mais elle ne résout pas un autre sujet : quelle est la cohérence de la stratégie géopolitique du président nationaliste, résumée dans la formule « America First » ? À ce stade, on se perd en conjectures et… en hypothèses.

La première qui vient à l’esprit est celle du bluff, tant l’hôte de la Maison-Blanche aime faire croire qu’il est un joueur de poker, un négociateur hors pair, le maître du deal. Mais à quelles fins ? Permettre à Benyamin Netanyahou, qui n’a jamais pris position officiellement pour l’expulsion totale des Gazaouis, d’apparaître comme un « modéré » ? En rabattre ensuite afin de donner l’illusion aux pays arabes de faire une concession, dans une négociation en trompe-l’œil, et convaincre ainsi l’Arabie saoudite de rejoindre les accords d’Abraham ?

Imaginons même qu’il s’agisse de cela. En l’espèce, le coût du bluff paraît astronomique. Car celui qui s’est présenté dans son discours d’investiture comme un « pacificateur » et un « unificateur » propose ni plus ni moins que de se rendre coupable d’un crime contre l’humanité, ce que constitue le déplacement forcé de 2,1 millions de Gazaouis. La seule évocation de cette possibilité entame un peu plus le crédit des États-Unis sur la scène internationale, éloignant encore le Sud global et laissant les alliés traditionnels, de l’Égypte aux pays européens, dans un état d’interdiction.

Si la folle proposition devait suivre son chemin, elle ferait de nouveau de Washington un acteur direct au Moyen-Orient, une force d’occupation même dans un pays arabe, reprenant le fil du gouvernorat américain sur l’Irak pendant la présidence de W. Bush.

Or, les élites américaines ont tiré les leçons de cette politique inspirée par les néoconservateurs : elle a affaibli la position de l’Amérique là où elle prétendait la renforcer, après les attentats du 11 Septembre, et elle a dévié le pays de son objectif principal, à savoir la lutte pour le leadership mondial avec la Chine. À rebours du consensus de l’ensemble de l’appareil d’État diplomatique et sécuritaire, Donald Trump s’apprête-t-il à consommer une rupture avec le « pivot asiatique » décidée par Barack Obama en 2011 ?

« Les crises du Moyen-Orient viennent perturber cette orientation stratégique »rappelait l’universitaire Philip Golub dans nos colonnes. La mise en œuvre du « plan » de Donald Trump reviendrait, de fait, à revenir en arrière, en consacrant du capital politique et des moyens économiques et militaires sur la rive orientale de la Méditerranée, autant de puissance qui ne pourra être investie en mer de Chine, épicentre de cette rivalité stratégique.

Après avoir surfé sur le sentiment antiguerre largement partagé dans l’électorat américain, Donald Trump serait-il devenu un « néoconservateur » ? Pire, peut-être : le promoteur d’un nouvel âge de l’impérialisme américain qui tenterait de maintenir sa domination par une extension territoriale, comme ce fut le cas à la fin du XIXe siècle sous la présidence de William McKinley, abondamment cité par Donald Trump depuis son retour à la Maison-Blanche.

Les États-Unis, alors en passe de devenir la principale puissance capitaliste, s’emparaient, en quelques années, de Porto Rico, de Guam et d’Hawaï (toujours « possessions » américaines) ainsi que des Philippines, de Cuba et du canal de Panama.

C’est la piste suivie par l’universitaire français Corentin Sellin sur X : « Cette nouvelle sortie du président – cette fois sur Gaza – renvoie vraiment à un impérialisme étatsunien alliant, comme à la fin du XIXe, intérêts d’un capitalisme dérégulé et toute-puissance militaire d’un État pour s’approprier les territoires de ceux trop faibles pour les défendre. » Les revendications sur le Groenland et désormais l’enclave palestinienne, ainsi que les menaces sur le canal de Panama, constitueraient ainsi les pièces d’un puzzle finalement cohérent.

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Droits de douane, gel de l’aide internationale : comment Donald Trump fait la guerre au monde entier

En instituant des droits de douane pour le Canada, le Mexique et la Chine et en gelant l’aide internationale pour des dizaines de pays, le président nationaliste place la communauté internationale en état de tension. (Article publié dans l’Humanité du 3 février 2025.)

Lors de son discours d’investiture, Donald Trump avait promis qu’il serait un « faiseur de paix et un unificateur ». Deux semaines à peine après, ses paroles se sont dissoutes dans une guerre commercialo-financière qui est en passe de semer le chaos et la division, non seulement sur le continent américain mais dans le monde entier. Dans son offensive, le président nationaliste manie deux armes massives : les droits de douane et l’aide internationale.

Ce sont les premiers qu’il a dégainés samedi 1er février, comme il l’avait annoncé. Les produits venant du Canada et du Mexique – les deux partenaires de l’accord de libre-échange qui a succédé à l’Alena en 2020 – sont taxés à hauteur de 25 % tandis que 10 % supplémentaires sont imposés à ceux déjà existants sur les produits chinois. Les trois pays, à eux seuls, représentent 40 % des importations du pays.

Donald Trump a donc décidé de renchérir le coût de près de la moitié des produits importés. L’impact inflationniste ne fait aucun doute, dans un pays où l’inflation subie depuis la pandémie de Covid fait partie des principales préoccupations des habitants. Plusieurs études ont montré que les droits de douane décidés par ce même Donald Trump lors de son premier mandat avaient été répercutés sur les consommateurs américains.

L’objectif demeure peu clair. D’un côté, il affirme avoir mobilisé les fameux « tariffs » – ce mot qu’il tient pour le plus beau de la langue anglaise – afin de contraindre les pays concernés à agir pour diminuer le trafic de fentanyl et les arrivées de migrants illégaux sur le sol américain. Argument peu convaincant : comme l’a rappelé Justin Trudeau, premier ministre démissionnaire du Canada, son pays ne compte que pour 1 % de chacun de ces problèmes.

De l’autre, le président américain ne cesse de répéter que les pays étrangers ont prospéré sur le dos des États-Unis, laissant présager que ce début de guerre commerciale ne constitue qu’un levier pour renégocier des accords. Donald Trump avait déjà agi ainsi lors de sa première arrivée à la Maison-Blanche avec la conclusion de l’Aceum (accord Canada-États-Unis-Mexique) en remplacement de l’Alena, l’accord de libre-échange avec le Mexique et le Canada, conclu sous la présidence de Bill Clinton.

Aussitôt déclenchée, la canonnade trumpienne a provoqué des tirs de barrage des pays visés. Le Canada va appliquer la même charge – 25 % – sur 155 milliards de dollars canadiens (102 milliards d’euros) de biens états-uniens. Première salve dès ce mardi 3 février : les prix du bourbon, des appareils ménagers comme des fruits en provenance du puissant voisin augmenteront. « Si le président Trump veut inaugurer un nouvel âge d’or pour les États-Unis, la meilleure voie est de s’associer avec le Canada, et non de nous punir », a lancé Justin Trudeau lors d’une conférence de presse au ton grave, presque dramatique, convoquant l’histoire commune des deux pays.

Même réaction du côté de la présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum, qui a immédiatement annoncé « des mesures tarifaires et non tarifaires en défense des intérêts du Mexique », sans les détailler. L’économie mexicaine, dont 83 % des exportations partent chez le voisin américain (automobiles, ordinateurs, produits agricoles) et qui affiche un fort excédent commercial, est sans doute la plus encline à subir les conséquences de cette guerre qui commence. Raison pour laquelle la cheffe de l’État a laissé une porte entrouverte en proposant à son homologue états-unien « un groupe de travail avec nos meilleures équipes de sécurité et de santé publique » sur les questions de trafic de drogue et des migrations.

« Je vais discuter avec le premier ministre Trudeau demain matin, je vais également parler avec le Mexique demain matin, je ne m’attends à rien de grave. Nous avons mis des droits de douane car ils nous doivent beaucoup d’argent, je suis certain qu’ils paieront », a déclaré Donald Trump, dimanche, à la presse avant de quitter sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride.

La troisième cible – la Chine – prendra des mesures « correspondantes pour protéger résolument » ses « droits et intérêts », a annoncé, dans un communiqué, le ministère chinois du Commerce. « Les guerres commerciales n’ont pas de vainqueur », a rappelé, de son côté, le ministère chinois des Affaires étrangères. C’est cette crainte que partage le Japon, pourtant un allié indéfectible des États-Unis. Le ministre des Finances japonais, Kastunobu Kato, s’est dit « profondément préoccupé par la façon dont ces droits de douane pourraient affecter l’économie mondiale ».

« Ce sera le nouvel âge d’or pour les États-Unis ! Est-ce que cela va faire souffrir ? Oui, peut-être. Et peut-être pas. Mais nous allons rendre sa grandeur à l’Amérique et cela vaudra le prix qu’il faudra payer », a de son côté écrit – en lettres capitales – Donald Trump sur son réseau Truth Social dimanche tout en continuant à multiplier les menaces. « Il n’a pas été donné à la Chine, il a été donné bêtement au Panama. Mais ils ont violé l’accord et nous allons le reprendre, ou quelque chose de très fort va se produire », a-t-il lâché le même jour à propos du canal de Panama où son secrétaire d’État Marco Rubio était en déplacement.C’est plus que la crainte qui domine dans de nombreux autres pays du monde. L’heure est à la stupéfaction alors que Donald Trump a fourbi sa deuxième arme : le gel de l’aide internationale. D’une simple signature, le locataire de la Maison-Blanche a suspendu tous les programmes d’aide étrangère des États-Unis pour une durée de quatre-vingt-dix jours. Seules l’aide alimentaire d’urgence et l’assistance militaire pour Israël et l’Égypte font exception. Le président républicain a affirmé dimanche que l’Agence américaine pour le développement (USAID), déjà l’objet de virulentes attaques d’Elon Musk, était « dirigée par des fous extrémistes » qu’il fallait « virer de là ».

Pendant trois mois, son administration va réexaminer l’ensemble du système d’aide internationale et sans doute le passer au tamis de la conditionnalité, calée sur l’agenda ultraréactionnaire trumpiste. Les conséquences sont déjà perceptibles, notamment sur le continent africain, où Pékin, vu comme un concurrent stratégique par Washington, pourrait, de manière paradoxale, profiter de ce désengagement, même s’il s’avère momentané. En Afrique de l’Est, certaines écoles financées par les États-Unis ont demandé aux enfants d’arrêter de venir.

En Ouganda, « l’absence de médicaments pendant plusieurs jours pour les patients atteints du VIH/sida peut entraîner la mort », explique à l’AFP Peter Waiswa, un membre du réseau d’aide humanitaire Compassion Connectors dans ce pays. Au Soudan du Sud, déjà touché par une épidémie de choléra, 3 000 personnes comptent sur l’aide américaine après avoir perdu leur maison dans des inondations. « Si la décision (…) n’est pas rapidement reconsidérée, il est fort possible que les gens commencent à mourir de faim et de maladies », redoute, auprès de l’AFP, James Akoon Akot, enseignant dans un orphelinat du pays.

Dans son discours inaugural de second mandat, le 20 janvier, Donald Trump avait promis de ne pas lancer de nouvelles guerres. Pas d’éviter de provoquer des morts dans des situations et événements qui, sans mobiliser l’armée, n’en auront pas moins des conséquences funestes.

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La guerre « totale » contre le droit à l’avortement, en mode camouflage

Si Donald Trump n’a signé aucun décret sur le sujet, les républicains et le camp « pro life » préparent les prochaines étapes d’une interdiction totale. (Article publié dans l’Humanité du 31 janvier 2025.)

Décret après décret, Donald Trump abat toutes ses cartes avec l’aplomb d’un joueur de poker sûr de sa main. Il y a un sujet sur lequel, pourtant, il fait preuve d’une surprenante prudence : l’avortement. Aucune déclaration, aucun document paraphé : c’est, apparemment, le calme plat sur ce front où les groupes dits « pro-life » (« pro-vie ») et le Parti républicain ont remporté une victoire, en 2022, avec la décision de la Cour suprême de revenir sur l’arrêt Roe v. Wade de 1973 qui accordait une protection constitutionnelle au droit à l’avortement. L’audition par le Sénat de Robert Kennedy Jr (RFK), pressenti par Donald Trump pour être le prochain secrétaire à la Santé, a pourtant dévoilé la stratégie « à bas bruit » de la nouvelle administration, à commencer par la pilule abortive.
Dans son projet 2025, véritable feuille de route pour l’administration Trump, la Heritage Foundation – think tank ultraconservateur – fait une priorité de l’annulation de l’approbation par la Food and Drug Administration (l’agence fédérale chargée de réguler notamment le marché des médicaments) de la mifépristone, prise dans la moitié des IVG médicamenteuses aux États-Unis. Or, Donald Trump a donné pour mission à Robert Kennedy Jr de se pencher sur les « questions de sécurité » liées à celle-ci.
« Le président Trump m’a demandé d’étudier la sécurité de la mifépristone. Il n’a pas encore pris position sur la manière de la réglementer. Dès qu’il le fera, je mettrai en œuvre ces politiques », a-t-il indiqué aux élus qui doivent valider sa candidature. La ficelle est grosse. « Alors que toutes les études crédibles montrent que le médicament est sûr et efficace », comme le rappelle la journaliste Jessica Valenti sur son blog, les groupes anti-avortement vont ressortir « des “recherches” trompeuses et fausses qui affirment que le médicament met en danger la santé et la vie des femmes ».
Trump pourra alors s’appuyer sur le principe « dans le doute, on s’abstient » pour tenter d’interdire la mifépristone. Saisie du sujet en avril 2023 après la décision d’un juge du Texas ordonnant le retrait de la pilule du marché fédéral du médicament, la Cour suprême avait décidé d’en maintenir l’accès.
Plus grave encore : RFK Jr a informé le Congrès que Donald Trump lui avait dit son intention « de mettre fin aux avortements tardifs ». Une formule suffisamment floue pour que s’y cache un loup, selon Jessica Valenti. « Pour moi, il s’agit d’une indication claire que Trump est ouvert à une interdiction nationale de l’avortement si elle est présentée comme restreignant les avortements “tardifs” », commente la journaliste.
Durant toute la campagne, Donald Trump avait adopté un profit bas sur ce sujet très sensible de la politique américaine. Pour une bonne raison : une majorité d’Américaines se déclare favorable au droit à l’avortement. Le 5 novembre, le camp « pro-choice » (« pro-choix ») a remporté sept des dix référendums d’initiative populaire, y compris dans certains bastions conservateurs. La stratégie des républicains de renvoyer aux États fédérés la question de l’exercice de ce droit se trouve ainsi (relativement) mise en échec. D’où le retour de l’idée d’une loi fédérale, à laquelle Trump avait promis de ne pas avoir recours.

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DeepSeek, un « moment Spoutnik » pour Washington ?

La percée de la startup spécialisée dans l’intelligence artificielle signe l’échec d’une stratégie américaine visant à priver la Chine des meilleurs processeurs. (Article publié dans l’Humanité du 30 janvier 2025.)

L’incrédulité puis l’incompréhension, et enfin la quasi-panique. Les élites – technologiques et politiques – des États-Unis sont passées par ces trois phases après le succès fulgurant de DeepSeek. Cette start-up chinoise a développé un modèle d’IA aux performances égales à celles des leaders OpenAI ou Google mais à un coût de développement largement inférieur. Pour résumer, Liang Wenfeng a damé le pion à des mastodontes américains du secteur et leurs armées d’ingénieurs.
Le jeune geek concurrence même la Silicon Valley sur le terrain du narratif cher aux « pionniers » de la Big Tech. En 2008, diplôme d’informatique en poche, il a préféré emménager dans un petit appartement de Chengdu (sorte de pendant du garage californien dans lequel semble commencer toute histoire technologique qui se respecte) afin de creuser son propre sillon dans l’IA plutôt que de prendre un joli salaire dans l’un des grands groupes chinois qui pullulent à Shanghai ou Shenzhen. Dix-sept ans plus tard, le voilà « roi » momentané du secteur le plus porteur de la tech.
Premier impact du succès de DeepSeek, lancée le 10 janvier : la chute libre des actions de Nvidia. L’entreprise californienne, dont les processeurs sont les plus utilisés pour entraîner les modèles d’IA, a perdu 590 milliards de dollars de capitalisation boursière, rien que ça. Les spécialistes du secteur discutent encore des raisons et de la portée de cette avancée technologique mais, dans les lieux de pouvoir, on a instantanément saisi ce qu’elle signifiait : l’échec d’un type de politique d’endiguement de la Chine.
Depuis plusieurs années, Washington tente de limiter l’accès de Pékin aux microprocesseurs les plus pointus. La firme taïwanaise TSMC, leader mondial des puces électroniques de haut niveau, a interdiction de les exporter vers la Chine. Quant à Nvidia, les processeurs qu’elle vend à la Chine sont limités à la moitié de leur potentiel de puissance et de calcul.
Malgré cet embargo « soft », la Chine vient, via sa petite start-up, de marquer un point dans la grande bataille technologique et économique qui l’oppose aux États-Unis. « Les contrôles ont forcé les chercheurs chinois à faire preuve de créativité en utilisant un large éventail d’outils disponibles gratuitement sur Internet », explique le New York Times. Certains observateurs parlent même de « moment Spoutnik ».
La première mise en orbite d’un engin, réalisée par les Soviétiques en 1957, avait sidéré la puissance américaine, qui pensait encore disposer d’un avantage concurrentiel dans la conquête spatiale. Un « Pearl Harbor technologique », estimait alors le New York Times. On connaît la suite : le plan annoncé par John Fitzgerald Kennedy en 1961 qui aboutira aux premiers pas de l’homme – américain, en l’occurrence – sur la Lune.
Autre temps, autre rivalité stratégique. Donald Trump s’est pour l’instant contenté de voir dans la réussite de DeepSeek un « avertissement » pour les États-Unis. Une réaction assez « neutre » au regard des enjeux colossaux qui peut laisser penser que les élites américaines, prises au dépourvu, ne disposent pas encore de la « martingale » pour contrer cette percée du rival désigné.

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Trump la menace, de retour au pouvoir

Dans son discours d’investiture, le nouveau président a mobilisé tout le registre d’un nationalisme exacerbé, d’une rhétorique quasi-messianique à des premières mesures hostiles pour le Mexique (urgence nationale à la frontière) et la Chine (droits de douanes). (Article publié dans l’Humanité du 21 janvier 2025.)

La base Maga (Make America Great Again) ne manquera pas d’y voir un signe du ciel. Pour la première fois depuis 1985, la prestation de serment d’un président américain a dû se dérouler dans l’enceinte même du Capitole, en raison du grand froid qui régnait sur Washington.
Le hasard des conditions météorologiques vient donc placer Donald Trump aux côtés de Ronald Reagan, dans la catégorie des « présidents rapatriés au chaud ». Cette même base espère que le 47e président rejoindra le 40e au panthéon des saints patrons de la réaction. C’est la promesse faite par le milliardaire durant sa campagne : imposer à la société une cure réactionnaire à la société, à l’État fédéral et à la diplomatie, les remodeler selon les standards oligarchiques, nativistes, unilatéralistes et patriarcaux.
Brochette de milliardaires et réactionnaires
Cette nouvelle « révolution conservatrice » a commencé en mots, hier, lors d’un discours de Donald Trump prononcé devant un parterre d’invités d’honneur dont la composition en disait déjà long sur la nature du projet. Se sont pressés dans la capitale fédérale les administrateurs de l’internationale réactionnaire (Javier Milei, Giorgia Meloni et Nayib Bukele) comme les milliardaires les plus en vue (de Rupert Murdoch, le magnat des médias, à Bernard Arnault, PDG de LVMH, en passant par Jeff Bezos ou Mark Zuckerberg, qui vient de faire allégeance au nouveau pouvoir trumpiste).
Les PDG des principales multinationales américaines ont payé de leur personne, mais aussi des deniers de leurs entreprises. Le comité chargé de la cérémonie d’inauguration (bals, réceptions, défilés, dîners et autres événements) a collecté un montant record de 170 millions de dollars. Google, Meta, Microsoft, Boeing, Goldman Sachs, entre autres, ont donné 1 million de dollars chacun pour l’événement.
Condensé de son discours type de campagne électorale, excessif et hyperbolique sur la forme, nationaliste et quasi messianique sur le fond, le texte, prononcé d’une voix monocorde, a donné le ton de ce début de second mandat. « Dès cet instant, le déclin de l’Amérique prend fin », a décrété Donald Trump, annonçant le début « d’un nouvel âge d’or », symbolisé par des premières mesures annoncées.
Un ton messianique et des mesures nationalistes
Priorité de sa campagne et de ce début de mandat, la question migratoire a fait l’objet de la première mesure : l’urgence nationale à la frontière sud est déclarée, ce qui lui permettra de mobiliser l’armée tandis que les cartels sont désormais inscrits sur la liste des organisations terroristes et qu’une loi de 1798 est invoquée pour mobiliser tous les moyens sécuritaires contre les gangs.
Une urgence énergétique nationale est également déclarée, justifiant les premiers décrets pris en la matière : nouvelles autorisations de forage en mer, fin du crédit d’impôt pour les véhicules électriques, arrêt des dépenses liées aux politiques climatiques de Joe Biden et surtout, retrait, pour la seconde fois, des accords de Paris.
Quant aux droits de douane, ils sont annoncés mais non accompagnés de chiffres précis qui devraient venir dans les jours qui viennent. Le virilisme nationaliste dont le plus vieux président en exercice est coutumier s’est incarné dans du symbolisme (rebaptiser le golfe du Mexique en golfe d’Amérique), dans une projection à la façon Kennedy (« planter la bannière étoilée sur Mars ») et une menace évidente (« nous allons reprendre le canal de Panama »).
En ce jour honorant la mémoire de Martin Luther King, Donald Trump, sans vergogne, a promis de « réaliser son rêve ». Dans l’un des premiers décrets qu’il devait signer, il s’apprêtait pourtant à rayer d’un trait de plume les politiques développées pendant le mandat de Joe Biden contre les discriminations visant à assurer des mesures de « diversité, d’équité et d’inclusion » dans les agences fédérales.
« J’ai été sauvé par Dieu pour rendre sa grandeur à l’Amérique », a encore prétendu l’instigateur de l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, qui a lancé hier, depuis le même endroit, une autre offensive, contre les « ennemis », intérieurs et extérieurs.

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Les cinq lignes de front de Donald Trump

A peine investi, ce lundi à Washington, le président nationaliste lancera une offensive tous azimuts afin d’imposer son projet de remodelage de la société américaine comme de la géopolitique mondiale. (Article publié dans l’Humanité du 20 janvier 2025.)

Le Capitole aurait dû symboliser son opprobre politique. Ce 20 janvier, il incarnera son retour vengeur. Un peu plus de quatre ans après l’assaut – qu’il avait encouragé – du saint des saints législatif du pays, Donald Trump va prêter serment à midi, heure locale, pour un second mandat qui se profile bien différemment du premier.
Cette fois-ci, le milliardaire rentre à la Maison-Blanche fort d’une majorité en voix (49,7 % contre 48,2 % à Kamala Harris), là où il ne devait sa première victoire qu’au système du collège électoral. Il dit disposer d’un mandat du peuple américain, ce qui est hautement discutable au regard de sa marge d’avance (+ 1,5 point), inférieure à celle dont disposait Hillary Clinton face à lui en 2016 (2,1 points). Peu importe. Tous les atouts se trouvent dans sa main.
Il peut s’appuyer sur la majorité républicaine au Congrès ainsi que sur la Cour suprême, un organe politique de fait. Il dispose d’une feuille de route, le Projet 2025, de la fondation Heritage, même s’il a dû, pendant la campagne électorale, prendre quelques distances avec ce brûlot dont l’objectif affirmé, selon Kevin Roberts, le président de ce think tank ultraconservateur, est l’« institutionnalisation du trumpisme ». À savoir : faire rentrer dans chaque pore des politiques publiques les préceptes de ce mouvement réactionnaire multiforme (oligarchie, masculinisme, anti-woke) qu’incarne le milliardaire.
Enfin, contrairement à 2016, il peut compter sur des troupes – fantassins et officiers – en nombre suffisant. À la fin de son premier mandat, des postes clés dans des administrations fédérales n’étaient toujours pas pourvus. Cette impréparation n’est plus de mise. Premier acte dès les premières minutes : Donald Trump signera dès ce lundi une centaine de décrets présidentiels, lançant sa croisade politique et culturelle sur tous les fronts.


Endiguer la puissance chinoise
Aussi curieux que cela puisse paraître, Donald Trump s’inscrit dans les pas de ses prédécesseurs démocrates sur la principale question de politique étrangère. À sa façon, certes : de manière apparemment plus erratique et avec plus de volume rhétorique. Mais, depuis 2011 et le « pivot asiatique » décidé par Barack Obama, cette volonté d’endiguer la montée en puissance économique et géopolitique de la Chine demeure l’option diplomatique la mieux partagée par les deux grands partis.
« La montée en puissance de la Chine pose pour les États-Unis un défi structurel de long terme que les décideurs de la politique internationale, les institutions de sécurité en particulier, considèrent comme étant absolument essentiel », rappelait dans nos colonnes l’universitaire Philip Golub. Si la puissance américaine est investie aux côtés de l’Ukraine et d’Israël, c’est contre Pékin qu’elle entend concentrer tous ses moyens.
Avec Donald Trump, la guerre sera commerciale et commencera par l’augmentation des droits de douane sur les produits importés de Chine, au risque de l’inflation. À quel niveau ? Mystère. L’excédent commercial de la Chine, qui vient d’atteindre la faramineuse barre des 1 000 milliards de dollars, l’encouragera peut-être à frapper plus fort qu’entre 2017 et 2021. Ironie : plus d’emplois industriels ont été créés pendant le mandat de Joe Biden, dans la foulée des lois d’investissements dans les infrastructures et la conversion climatique, que pendant celui de Donald Trump.

L’unilatéralisme à marche forcée
La Chine ne constitue que la pièce la plus importante d’un puzzle plus large que Donald Trump entend redessiner. Les saillies contre le Canada, le canal de Panama et le Groenland ont un point commun : poser un jalon pour une future « négociation », mais en bilatéral, donc supposément en position de force.
La réaction du ministre danois des Affaires étrangères est d’ailleurs symptomatique de ce type de discussions asymétriques. Plutôt que de s’élever contre un projet impérialiste, il a assuré le futur président américain que son pays porterait une attention particulière à ses attentes… Le message est, semble-t-il, passé. Avec le Canada, il s’agit d’anticiper une éventuelle remise à plat des accords de libre-échange. Quant à la question de la voie maritime en Amérique centrale, elle constitue une première étape de la guerre commerciale contre la Chine.
Si Donald Trump veut isoler un pays, ce n’est pas le sien, mais ceux auxquels il entend imposer un de ses fameux « deals ». C’est là la clé de l’approche diplomatique du nationaliste républicain : il n’est pas un isolationniste mais un unilatéraliste. Le multilatéralisme, clé de voûte de l’architecture des relations internationales conçue après la Seconde Guerre mondiale, lui apparaît comme un boulet entravant la puissance américaine.
Il veut donc en garder les avantages (le système d’alliances dont les États-Unis constituent l’épicentre) et se débarrasser des inconvénients (la mutualisation des décisions). L’arrivée de Marco Rubio, un « faucon », au département d’État révèle une approche beaucoup plus agressive.


Lancer la chasse aux migrants
« La plus grande opération d’expulsions de l’histoire. » Donald Trump est un habitué des superlatifs. Pour des dizaines de millions d’habitants des États-Unis, celui-ci fait froid dans le dos. Après la promesse (non tenue) de construire un mur à la frontière avec le Mexique, le républicain a mené campagne, notamment, sur celle de procéder à une véritable chasse aux migrants sans statut légal, dont le nombre est estimé à 11 millions, soit 3 % de la population totale.
Le rejet de l’immigration est devenu un ciment de l’électorat républicain.
Donald Trump comme ceux qui voudront lui succéder ou simplement être réélus lors des élections de mi-mandat en 2026 tiennent à maintenir cette question tout en haut de l’affiche médiatique. Thomas Homan, le nouveau « tsar de la frontière », a déjà annoncé que les descentes sur les lieux de travail allaient reprendre après avoir été mises en pause par l’administration Biden. Selon le Wall Street Journal, l’ICE, l’agence chargée de l’immigration, prépare un « raid » dès mardi à Chicago, une ville « sanctuaire », où les autorités et la police refusent de coopérer avec les forces fédérales. Un premier test grandeur nature.

« Drill, baby, drill »
Les pedigrees et déclarations des nommés disent tout du cap politique. Au ministère de l’Energie, Donald Trump a placé Chris Wright, directeur général de Liberty Energy, une société de fracturation hydraulique. Celui que le New York Times présente comme un « évangéliste des combustibles fossiles » estime qu’« il n’y a pas de crise climatique, et (que) nous ne sommes pas non plus au milieu d’une transition énergétique ».
À la tête de l’Agence fédérale de l’environnement (EPA), c’est un ancien député républicain, Lee Zeldin, parmi les plus farouches opposants à toute réglementation climatique, qui officiera. Sa mission, selon Donald Trump : « tuer » et « annuler » les réglementations de l’agence. « Nous rétablirons la domination énergétique des États-Unis », a promis l’impétrant, comme si celle-ci avait été mise à mal par le mandat Biden.
En fait, les États-Unis occupent depuis près d’une décennie une position d’exportateur nette d’énergie, grâce notamment à l’explosion du pétrole et du gaz de schiste. Si Joe Biden a timidement limité cette croissance, Donald Trump entend lâcher totalement la bride sur le cou des multinationales. Comme le veut le slogan de campagne du Parti républicain en 2008 : « Drill, baby, drill ! » (« Fore, chéri, fore ! »).

Reconfigurer l’État fédéral
Ici aussi, le pedigree constitue une boussole : la réforme de l’État confiée à deux milliardaires, à commencer par le plus riche d’entre eux, Elon Musk. Le deuxième homme fort de l’administration Trump – après le président lui-même – sera épaulé par Vivek Ramaswamy, ultradroitier candidat à la primaire républicaine. Une structure a été créée ex nihilo pour les besoins de leur mission : un département pour l’efficacité gouvernementale (Department of Government Efficiency). L’acronyme (Doge) fait penser à la magistrature suprême de la République de Venise.
Il s’agit surtout d’établir un gouvernement des ultra-riches en reconfigurant les missions de l’État. Selon le New York Times, « un groupe non rémunéré de milliardaires, de cadres du secteur de la technologie et certains disciples de Peter Thiel, un puissant donateur républicain, se préparent à occuper des postes non officiels au sein du gouvernement américain au nom de la réduction des coûts ».
Il ne s’agit pas de dépecer l’État fédéral mais de le remodeler. À titre d’exemple, la ministre de l’Éducation, la millionnaire Linda McMahon, ne videra pas la structure de sa substance et de ses finances. Elle les redéployera au bénéfice des écoles privées, principalement religieuses. Et comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, Elon Musk a déjà demandé des moyens supplémentaires pour SpaceX, société détenue par… Musk Elon.

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Depuis les années 70, une radicalisation sans fin du parti de Lincoln

Trop souvent présenté comme un républicain hétérodoxe, Donald Trump, à la personnalité certes parfois insaisissable, s’inscrit pourtant dans la droite ligne de la droitisation du GOP entamée il y a un demi-siècle. (Article publié dans l’Humanité du 20 janvier 2025.)

Comment un parti conservateur bon teint s’est transformé en mouvement populiste d’extrême droite. Récit en cinq étapes.


1971 : le Mémo Powell, feuille de route de la révolution conservatrice
Il faut sans doute un mythe fondateur à tout récit. Celui de la droitisation sans fin du Grand Old Party (GOP) commence par un mémo confidentiel. La chambre de commerce, le lobby patronal, charge Lewis Powell, avocat spécialisé en droit des affaires (notamment en faveur de l’industrie du tabac), d’en assurer la rédaction.
Son diagnostic : avec le New Deal rooseveltien encore étoffé sous la présidence de Lyndon Johnson et les mouvements de contestation des années 1960 (droits civiques, féminisme, pacifisme), le « système américain de libre entreprise » est attaqué de toutes parts. Celui que Richard Nixon nommera à la Cour suprême l’année suivante préconise que le mouvement conservateur mène une contre-attaque tous azimuts.
Un « appel aux armes néolibéral », selon l’historien Gary Gerstle, qui sera relayé par des think tanks (Heritage Foundation, Cato Institute, Manhattan Institute) créés dans la foulée et surtout par le Parti républicain, devenu le creuset de tous les mouvements réactionnaires.

1976 : la « welfare queen », symbole du virage raciste
Dès le début des années 1970, le parti de Lincoln a mis en œuvre sa stratégie sudiste. Il décide de ne pas s’opposer aux lois sur les droits civiques – le sens de l’histoire – mais d’exploiter le racisme des Blancs du Sud, traditionnellement démocrates, afin de les attirer à lui. Il faut donc flatter leurs pires instincts.
Un candidat à la primaire républicaine en 1976 s’y adonne. Il rythme sa campagne avec l’anecdote récurrente d’une « welfare queen », une « reine des aides sociales », qui multiplie les identités et les fraudes, achète des Cadillac à foison, et vit mieux que le pauvre travailleur dur à la peine.
Jamais il n’évoque la couleur de peau de cette arnaqueuse au demeurant fictive (les journalistes n’ont jamais trouvé trace d’un tel cas), mais le public qu’il cible en a déduit, comme une évidence, qu’elle était noire. L’homme perdra la primaire face au président en exercice Gerald Ford, mais trouvera quatre ans plus tard le chemin de la Maison-Blanche. Il s’agissait de Ronald Reagan.

1981 : Reagan et la mort de l’impôt progressif
« Le gouvernement n’est pas la solution. Il est le problème. » Élu en 1980, l’ancien gouverneur de Californie lance la « révolution conservatrice », dont la théorie du ruissellement constitue l’un des piliers. Dès sa prise de fonction, il fait voter une première loi qui ramène le taux de l’impôt sur le revenu de 70 à 50 %.
Cinq ans plus tard, une seconde loi l’abaisse à 28 %. Élu en 2000, George W. Bush fait adopter une nouvelle loi de réduction d’impôts. Donald Trump fera de même, dès son accession au pouvoir. Le pays, pionnier de l’impôt progressif, mis en place dès 1913, et dont le taux maximal a été porté à 93 % pendant le New Deal de Roosevelt, est entré dans l’ère de l’impôt régressif, où un milliardaire paie proportionnellement moins que sa secrétaire, comme l’indiquait le richissime Warren Buffett. Cela a conduit à l’explosion des inégalités sociales qui ont retrouvé leur niveau des années 1920.

1992 : Buchanan, ou le retour du nativisme
Auréolé, si l’on peut dire, de sa victoire dans la guerre du Golfe, George Bush pensait son autorité incontestable au sein du GOP. Pourtant, lors de la primaire, un commentateur conservateur le défie. Pat Buchanan mène toute sa campagne sur le rejet de l’immigration latino, dans un accès de fièvre nativiste récurrent aux États-Unis. Il perdra la primaire mais gagnera la bataille des idées.
Quatre ans plus tard, Samuel Huntington, dans son livre le Choc des civilisations, développe cette thèse de l’ennemi intérieur latino qui menace le caractère blanc et protestant de l’Amérique. En axant sa déclaration de candidature sur les migrants accusés de tous les maux, Donald Trump s’inscrit dans cette lignée. Sa victoire contribuera à amener au centre de la coalition républicaine le mouvement marginal initié par Buchanan.

1996 : Création de Fox News, TV Trump avant l’heure
Deux ans après le raz de marée qui a fait basculer le Congrès pour la première fois depuis quarante ans chez les républicains, Rupert Murdoch, le magnat australien des médias, lance une chaîne qu’il veut ouvertement conservatrice. Il en confie les rênes à un ancien stratège politique républicain, Roger Ailes.
Peu de monde croit réellement en la pérennité de cette « niche ». Mais Ailes a compris, avant d’autres, que le pays était entré dans une phase de polarisation. Fox News va à la fois surfer sur ce phénomène et l’accélérer en flattant et galvanisant une frange de l’électorat républicain qui se radicalise encore plus après l’élection de Barack Obama, dans un mélange de complotisme, de racisme, de nativisme, et d’antiféminisme.
Fox News, c’est TV Trump avant l’heure. Lors de son entrée dans l’arène politique, le milliardaire investit à fond le porte-voix que représente cette chaîne en forme de bulle qui devient le seul et unique moyen d’informations de la base « Maga » (Make America Great Again).

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