Si Barack Obama est sorti du bois sur le mariage gay (http://www.humanite.fr/monde/obama-et-le-mariage-gay-un-risque-politique-pas-si-sur-496260?x), il est en revanche resté bien tapi dans les buissons sur un autre sujet de société bien brûlant : le droit de port d’armes. Dans son discours de condoléances après la tuerie d’Aurora, il a même réussi à ne pas évoquer le problème qui fâche. Pourtant, comme l’écrit Georges Zornick, dans « The Nation » (http://www.thenation.com/blog/168986/colorado-shooter-likely-got-guns-ease), « quand des avions s’écrasent, on parle de la sécurité aérienne. Quand il y a des feux de forêt, on parle de la prévention de ces feux. »
Barack Obama n’a rien dit sur le sujet pour une raison toute prosaïque : il sait que les idées de contrôle des armes sont en recul malgré l’action courageuse de la Brady Campaign (http://www.bradycampaign.org/), organisation fondée par un ancien garde du corps de Reagan, blessé lors de la tentative d’assassinat de dernier en 1981 et resté paralysé depuis. En pleine période électorale, le président sortant a donc cyniquement décidé de ne pas se fâcher avec une majorité de l’opinion publique. Depuis une dizaine d’années, les partisans du « gun control » sont en recul très net. Le lobbying de la National Rifle Association (4 millions de membres, 253 millions de dollars de budget), dont le président fut l’acteur Charlton Heston (ici dans le documentaire de Michael Moore, « Bowling for Columbine » : http://www.youtube.com/watch?v=Q1iuEcu7O50) est d’une efficacité redoutable.
La pression idéologique du lobby pro-armes se lit même dans la déclaration du « press secretary » (porte-parole) de Barack Obama. Il affirme que le président veut « prendre des mesures de bon sens » dans le « respect du second amendement ». Un président qui veut respecter un amendement de la Constitution : cela n’a rien de franchement exceptionnel sauf que l’évoquer ainsi donne raison au lobby des armes à feu.
Explications.
Le droit de porter des armes est garanti par le second amendement de la Déclaration des droits, adoptée le 15 décembre 1791. Le premier amendement garantit la liberté d’expression et de religion, la liberté de la presse et le droit de s’ « assembler pacifiquement ». On voit que, dès les origines fondatrices, le droit aux armes à feu arrive en tête des priorités. La raison en est assez simple : le port d’armes généralisé a constitué un outil déterminant de l’indépendance américaine. L’armée britannique comptait 230000 hommes. Celle des colons insurgés : 20000. Même l’apport du contingent français (15000) n’aurait pas suffi à rééquilibrer les « débats » militaires. Ce qui a fait la différence, ce sont les miliciens et volontaires, soit le « peuple en armes ». Une clause préliminaire de l’amendement constitutionnel fait d’ailleurs référence à une « milice bien organisée ». Une interprétation de la Constitution insiste justement sur le fait que ce droit de porter les armes se limite à ce dernier cas, qu’il s’agit d’un droit collectif en certaines conditions. La Cour Suprême en a fait une interprétation maximaliste et estime que ce droit est individuel, dans un état d’esprit très sécuritaire. Même Barack Obama reprend cette thèse.