A deux semaines du premier vote dans l’Iowa, les deux candidats se détachent ; reflétant la division du parti démocrate entre son establishment centriste et son aile gauche (article publié sur le site humanite.fr le 20 janvier).
Ca y est, on peut commencer à lire, non dans le marc de café, mais dans la cristallisation des chiffres, statistiques et ventilations. Cristallisation : le mot-fétiche des sondeurs français pour décrire un moment politique où les tendances, après avoir varié, se stabilisent : des courbes nettes et claires en remplacement de zigs et de zags. D’une sorte d’état gazeux, les chiffres prennent une forme solide. A deux semaines du premier vote dans l’Iowa (3 février), c’est manifestement cette phase qui s’est ouverte si l’on s’en tient aux enquêtes et sondages parus depuis le début de l’année.
A quoi ressemble ce paysage cristallisé ? Pour faire court, un duel Biden-Sanders s’annonce. Les sondages nationaux donnent une moyenne de huit points d’avance à l’ancien vice-président de Barack Obama (28%) sur le sénateur du Vermont (20%). Elizabeth Warren (15%) et Pete Buttigieg 8%) suivent. Le dernier sondage paru, Survey USA, lui accorde même une avance de onze points (32 contre 21). Mais, ils sont en partie trompeurs car cette course d’escalade vers le sommet de l’investiture démocrate qui se conclura en juillet à Milwaukee se joue, étape par étape. Un piton mal planté pour l’un des candidats peut s’avérer dommageable voire fatal. Avant le Super Tuesday du 3 mars, au cours duquel quinze Etats (dont la Californie) vont se prononcer, les quatre premiers votes sont cruciaux, d’autant qu’ils se déroulent dans des parties différentes du pays avec des enjeux différenciés de mobilisation des électorats : en Iowa (Midwest) et dans le New Hamsphire (Nord-est), les électeurs sont ultra-majoritairement blancs, dans le Nevada (Ouest) entre en piste la composante latino puis en Caroline du Sud (Sud), c’est le vote africain-américain, si précieux pour chaque candidat démocrate à la présidence, qui fera la différence.
Comme dans une course de sprint, prendre la corde est souvent essentiel. Et cela se joue entre Iowa et New Hampshire, au cours du premier caucus et de première primaire (1). La « photographie » du moment : Biden et Sanders au coude à coude dans le premier juste devant Buttigieg et Warren, Sanders légèrement devant dans le second. Si l’on s’en tient aux « projections » du site 538, grand spécialiste des données statistiques (pour ce que cela peut valoir en politique…), Biden et Sanders sortiraient du premier round avec chacun deux victoires : Iowa et Caroline du Sud pour le premier, New Hamsphire et Nevada pour le second. Si Buttigieg et, surtout, Warren n’affichent aucune victoire au sortir du 1er round, le chemin vers la nomination s’annonce quasiment impossible. Et puisque l’on est en au « turfisme » politique, voici les calculs finaux de ce même site : 1552 délégués pour Biden, 1073 pour Sanders, 676 pour Warren et 499 pour Buttigieg avec une majorité à 1990. Tout cela sera forcément bousculé par le Saint-Graal des campagnes électorales américaines : le « momentum », cette dynamique qui souffle dans les voiles d’un candidat jusqu’à la victoire (Obama 2008) ou commence à rebattre sur le long terme les cartes (Sanders 2016). Et ça, aucun « pollster » ou « singe savant » de la statistique politique ne peut le prédire. D’autant que le procès de destitution de Trump qui s’ouvre cette semaine au Sénat va empêcher les sénateurs Sanders et Warren de faire campagne et mettre en lumière, indirectement, Joe Biden.
- (1) Un caucus est un processus extrêmement complexe, où, au cours de milliers de réunions dans l’Etat, les participants disent leur soutien à tel candidat puis se rallient à d’autres, tour après tour. Dans une élection primaire, il y a un vote secret. La primaire peut être ouverte (tous les électeurs peuvent y participer), semi-fermée (seuls les démocrates et indépendants enregistrés en tant que tels auprès des bureaux électoraux des Etats sont acceptés pour la primaire démocrate, s’entend. C’est le cas du New Hampshire) ou fermées (les démocrates enregistrés sont les seuls habilités à voter)