La « génération Sanders » à l’assaut du parti démocrate

(Article publié dans l’Humanité du 10 avril 2017)

Emily, Joe, Amanda et Abdul : témoignages de quatre « Millennials » progressistes qui soutiennent le sénateur du Vermont et s’engagent dans la bataille pour l’orientation de l’organisation politique déroutée par la défaite d’Hillary Clinton. 

Elle ne peut pas encore voter mais elle exerce déjà ses droits de citoyenne. A 17 ans et demi, elle est même l’une des plus jeunes responsables politiques du pays. Il y a quelques semaines, Emily Provencio a été élue vice-présidente adjointe du parti démocrate pour le 4e district législatif (l’équivalent d’un canton) de l’Etat de Washington, autour de Spokane, à l’extrémité nord-ouest du pays. Comme de nombreux « millennials » (ces jeunes nés entre 1982 et 2000), à travers le pays, elle se veut plus progressiste et plus radicale que la génération de ses parents et elle s’engage dans la bataille pour l’âme du parti démocrate. Et comme une immense majorité de ces jeunes nés entre 1982 et 2000, elle a soutenu Bernie Sanders pendant le processus des primaires. Il y a un an, la chose publique l’intéressait déjà : son bac en poche, elle s’apprêtait alors à rentrer à l’Eastern Washington University pour un cursus de sciences politiques, option communication. Mais de l’étude à l’engagement, il y avait encore un gouffre dans son esprit. « A ce moment-là, j’étais l’une des personnes les plus introverties que vous puissiez rencontrer », se remémore la jeune femme. Mais ça, c’était avant… Avant d’entendre, en août 2016, un discours du sénateur du Vermont. Puis, Emily s’est lancée dans la campagne, a appris à prendre la parole en public, participé au caucus de l’Etat de Washington gagné haut la main par l’outsider socialiste. Après la défaite de « Bernie » lors des primaires puis d’Hillary Clinton lors de l’élection générale, certains militants radicaux ont invité les « Berniecrats » à un « DemExit », une sortie du parti démocrate. Emily et des milliers d’autres ont répondu par un « DemEnter ».

Joe Barkovich fait également partie de la troupe. Nous l’avions rencontré, lycéen, dans le New Hampshire lors de la primaire remportée par Bernie Sanders. Il est désormais en première année de fac au Carleton College de Northfield, dans le Minnesota où il suit un double cursus : maths et théâtre. Un troisième aussi, de fait : politique… Après un moment de stupeur, Joe et son physique de poupin mal coiffé a repris les rênes de l’activisme. Cela a commencé par un trajet en bus de 24 heures pour rejoindre Washington lors de la marche des femmes, organisée la veille de l’investiture de Donald Trump.  Sur le campus, il est l’un des chevilles ouvrières du club « Carls for democratic society », affilié au parti démocrate. « On fait du démarchage téléphonique, des porte à porte. On organise des débats. » Son ambition : « Construire une gauche progressiste, en s’appuyant sur le message de Sanders, une réforme du système de primaire puis une stratégie politique à l’ensemble du pays. »

1500 kilomètres plus au sud, Amanda Vollner, née en 1983, l’une des premières millennials du pays, veut participer du même mouvement. Elle a pourtant la dent très dure contre l’appareil démocrate et la candidate qu’il a favorisée. « Je ne voterai jamais pour cette vendue au capital, cette corrompue, cette fauteuse de guerre, cette menteuse invétérée. Jamais», nous déclarait-elle en septembre 2016. Le 22 mars derniers, Amanda a été élue présidente du parti démocrate dans le comté de Beckham. Le bureau est complété par quatre autres « pro-Bernie ». Le 22 avril, elle se présente aux suffrages des démocrates de la circonscription – une autre fonction élective de poids qui lui permettrait d’appartenir au comité central du parti démocrate de l’Etat. Objectif : faire basculer l’Oklahoma, dans le camp pro-Sanders, lors de la convention du 20 mai.

Le même jour, se tiendra une convention du même type dans un Etat d’un tout autre poids : la Californie, l’Etat le plus peuplé et le plus progressiste (par ses législations et son rapport de forces électoral) du pays. Le mouvement pro-Sanders revendique une majorité des délégués élus, en mars dernier, comté par comté. Sa candidate au poste de « chairman » (président) se nomme Kimberly Ellis. Cette militante de la parité en politique serait la première africaine-américaine élue à ce poste.

Tout comme Abdul El-Sayed serait le premier gouverneur du Michigan dont la famille est originaire du Proche-Orient, d’Egypte plus précisément. Certes, il n’en est pas tout à fait là, ce jeune homme de 32 ans (encore un « millennial ») mais il a déjà lancé sa campagne. En 2018, le poste de gouverneur, détenu par les Républicains depuis 2010, sera soumis aux suffrages des électeurs dans cet Etat industriel qui a échappé à Hillary Clinton pour 10.000 voix. Lors des primaires démocrates, c’est Bernie Sanders qui l’avait emporté, à la surprise générale des experts et sondeurs. Le « docteur » El-Sayed compte bien déclencher la même vague d’enthousiasme. Etudiant brillant, professeur de santé publique (spécialité : inégalités face à la santé), il a redressé, à 30 ans, le département de santé de la ville de Detroit après la fin de sa mise sous tutelle pour banqueroute. De cette ville sinistrée après avoir été la capitale économique du pays, il veut faire l’épicentre de la reconquête progressiste. Pour ce renouveau, il affirme vouloir s’appuyer sur la nouvelle génération. Les millennials, of course…

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