Deux blocs sociologiques émergent des urnes

Si l’électorat de Joe Biden, jeune et plus populaire, demeure identique à celui de Hillary Clinton, celui de Donald Trump, toujours majoritairement blanc a marqué des points auprès des minorités. (Article publié dans l’Humanité du 05 novembre 2020.)

Le scrutin présidentiel de mardi, exceptionnel par l’ampleur de la mobilisation des électeurs, a confirmé que les deux Amériques politiques qui s’affrontent sont aussi deux Amériques sociologiques : plus jeune, diplômée et diverse du côté de Biden, plus âgée et blanche du côté de Trump. L’électorat de Joe Biden ressemble (presque) à celui de Hillary Clinton…en plus volumineux (80 millions de voix prévus par rapport aux 65 millions de 2016). Il est plus jeune : 62% parmi les 18-29 ans, 52% chez les 30-44 ans. Le candidat démocrate continue de dominer parmi les électorats africain-américain (87-12) et latino (66-32) mais avec une érosion par rapport aux scrutins différents. L’ancien vice-président de Barack Obama devance le candidat républicain dans les catégories populaires (57% chez ceux qui gagnent moins de 50.000 dollars par an) et les classes moyennes (56%). La percée annoncée par les sondages et voulue par les stratèges démocrates chez les blancs diplômés (49-49) ne s’est pas réalisée. Paradoxal alors que, sur la seule base de l’antitrumpisme le candidat a recueilli la plus forte proportion de l’électorat de l’ère moderne.

Avec de 73 à 75 millions de voix, Donald Trump retrouve voire dépasse l’audience générale de W. Bush en 2000 (30,5%), bien au-dessus de sa propre performance de 2016 (27,15%). Ce seul chiffre met en lumière une ressource insoupçonnable en tout ca insoupçonnée par de nombreux observateurs du trumpisme. Le président sortant est majoritaire parmi les hommes blancs (58%, -4% par rapport à 2016) mais également parmi les femmes blanches (55%, +3%), de même que parmi les plus de 50 ans (51%) Sans surprise, il réalise son meilleur score parmi les blancs sans diplôme (64%). Il faut ici se méfier des clichés. Ne pas disposer de sésame universitaire n’est pas synonyme de situation sociale précaire, surtout pour les plus âgés des salariés qui ont commencé leur carrière dans un contexte où la « formation sur le tas » et la promotion sociale avaient encore une certaine effectivité. Trump est minoritaire parmi toutes les catégories de revenus sauf parmi ceux qui gagnent plus de 100.000 dollars (54%). Cela confirme ce que plusieurs études avaient mis à jour ces dernières années : l’archétype de l’électeur trumpiste est un « faible diplôme, haut revenu. » Un quart seulement de son électorat répond à un critère fondamental des catégories populaires (pas de diplôme, revenu inférieur au revenu médian.)

Sa « base » n’a donc pas changé fondamentalement, sauf… Elle a effectivement pris quelques couleurs grâce à sa progression dans quelques parties de l’électorat : il recueille 18% chez les hommes noirs (contre 13% en 2016, 11% pour Mitt Romney en 2012 et 8% pour John Mc Cain en 2008), particulièrement entre 30 et 44 ans. Même constat parmi les hommes latinos (36%, +4%), avec une pointe parmi les plus de 60 ans (39%). On peut formuler deux hypothèses : la campagne de Trump a réussi à éroder le vote démocrate chez les jeunes actifs noirs et des latinos plus âgés, certainement plus conservateurs. Il a réussi à doubler son score (de 14% à 28%) parmi les L.G.B.T. En Georgie, cette part monte à 33%. Là encore, le phénomène est plus masculin que féminin. Le point commun de ces électorats est que le parti démocrate les considère comme « captifs. » Dans le New York Times, le chroniqueur Charles Blow commente : « Tout ceci pointe le pouvoir du patriarcat blanc et l’attraction qu’il a pour ceux qui en dépendent ou y aspirent. Cela perce quelque soit le genre ou l’orientation sexuelle ou même la race (…) Des personnes qui ont historiquement été oppressés vont se tenir aux côtés de leurs oppresseurs et vont aspirer au pouvoir par sa proximité. » Cela dénote également d’un brouillage des repères dans une Amérique où les inégalités explosent, un racisme ordinaire est promu directement depuis la Maison Blanche.

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Classé dans Actualités, Eclairages

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