L’Amérique célèbre la défaite de Trump plus que la victoire de Biden

Avec la Pennsylvanie et le Nevada en sa faveur, le candidat démocrate dispose d’une majorité au collège électoral qui sera peut-être renforcée par des victoires en Géorgie et dans l’Arizona. (Article publié dans l’Humanité du 9 novembre 2020.)

L’Amérique – tout au moins une frange majoritaire – a salué la défaite de Trump, samedi et jusque tard dans la nuit autant que la victoire de Joe Biden. Elle sait qu’elle n’en a certainement pas fini avec le trumpisme et rien n’est moins sûr qu’elle ait gagné un « bidenisme » au change, mais l’occasion était trop belle, le soulagement trop important. SI le comptage officiel des bulletins se poursuit, plus aucun doute ne plane sur une victoire assez nette de l’ancien vice-président de Barack Obama (lire encadré). C’est CNN qui a lancé, en premier, son annonce : « Nous projetons que Joe Biden sera le 46e président des Etats-Unis. » Quelques minutes plus tard, Fox News, la chaîne de Rupert Murdoch, suivait le mouvement, obligé de se rendre à l’évidence.

Largement en tête dans le vote populaire (plus de 4 millions de voix à l’heure om ces lignes étaient écrites et sans doute de 6 à 7 au final), dans le cadre d’une participation historique, Joe Biden a également remporté le « collège électoral ». La Pennsylvanie et le Nevada sont tombés dans l’escarcelle du candidat démocrate tandis que l’Arizona et la Géorgie (où un recompte aura lieu) penchent en sa faveur. Cela lui donnerait un total de 306 grands électeurs, le même nombre que Donald Trump en 2016. Le président nationaliste ne sera donc que l’homme d’un mandat comme George Bush et Jimmy Carter avant lui.

Joe Biden a rapidement pris la parole depuis Wilmington (Delaware), la ville où il a grandi et dans laquelle il demeure toujours. C’est à partir de cette base, proche de Washington, qu’il a bâti sa carrière politique en devenant à 29 ans le plus jeune sénateur de l’Histoire. Il sera l’un des piliers de cette chambre haute jusqu’en 2008, année où il deviendra vice-président du pays avec l’élection de Barack Obama, épousant ou devançant les virages à droite du parti démocrate sur la baisse des impôts ou les politiques pénales répressives.

« Je m’engage à être un président qui rassemble et non pas qui divise », a-t-il promis. Après avoir remercié la « coalition large et diverse » qui l’a portée à la présidence via ‘une victoire claire », il a insisté sur l’aspect réconciliation : «Voyons-nous, parlons-nous », « donnons-nous une chance. » Cet appel au rassemblement peut-elle être entendu dans une Amérique divisée comme jamais, avec notamment une partie de l’électorat trumpiste qui ne reconnaît toujours pas la défaite de leur « champion. » Mais cet espère d’œcuménisme peut-il faire office de méthode de gouvernement ?

En l’état actuel, le président Biden qui prêtera serment le 20 janvier ne dispose pas des leviers indispensables pour mener les politiques contenues dans son programme. Si les démocrates accusent un recul d’au moins une dizaine de sièges à la Chambre des représentants, ils y garderont une majorité. Mais le Sénat reste aux mains des républicains, au moins jusqu’au 5 janvier. Ce jour-là, se déroulera un deuxième tour pour les deux sièges de sénateurs de l’Etat de Géorgie. Si les candidats démocrates l’emportaient dans ce bastion républicain devenu « swing state », au point que Joe Biden devance, en l’état du décompte, Donald Trump de 10195 voix, le parti de Biden disposerait de 50 élus, tout comme les républicains. En ce cas, c’est la voix de Kamala Harris, la première femme et la première enfant d’immigrés, à occuper cette fonction, qui s’avère décisive. Si tel était le cas, un bras de fer s’engagerait entre l’aile gauche et l’establishment démocrate. Joe Biden a été élu sur un programme (lire ci-contre) avec nombre de propositions progressistes mais beaucoup moins radicales que celles portées par Bernie Sanders durant la campagne des primaires démocrates. D’une certaine façon, le débat a déjà commencé. Quelques démocrates centristes rendent responsable la gauche, et sa proposition de Medicare-for-All (un système de santé public universel) notamment, et de la victoire moins large que prévue des démocrates. Alexandria Ocasio-Cortez s’est chargé de la riposte immédiate. « Je pense que c’est la grande leçon que nous avons apprise : des élections à forte participation ne provoquent pas automatiquement des victoires démocrates, a-t-elle dit au New York Times. Mais nous avons aussi appris que si nous ciblons de manière très précise la participation, alors cela se montre bénéfique. Je crois que nous avons appris que nous ne pouvons pas nous éloigner des politiques progressistes. »

Comment la gauche va faire valoir ces options progressistes ? Les approches divergent. « La gauche a besoin de passer immédiatement à une opposition à l’administration Biden», selon le magazine marxiste Jacobin. Selon des sources proches d’Elizabeth Warren devrait rencontrer Joe Biden et lui proposer d’être sa secrétaire au Trésor, poste crucial dans toute administration. Un premier test pour le nouveau président : donnera-t-il suite à la sénatrice connue pour ses positions anti Wall-Street ou renouera-t-il avec la modération centriste des années Obama, dont on sait désormais qu’elles ont aussi contribué à faire le lit de Donald Trump.

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