Archives mensuelles : novembre 2012

JOUR J, 16h: le programme des Républicains

Romney plus à droite que Reagan : la dérive droitière du parti républicain se lit à chaque ligne des 62 pages de la plateforme directement inspiré des thèses des Tea Parties, la plus à droite de l’histoire du G.O.P. (Grand Old Party, son surnom) depuis l’avènement du New Deal de Roosevelt.

Réduction des dépenses publiques

Ce n’est évidemment pas une surprise : les Républicains proposent de réduire la dette et de faire voter des budgets « à l’équilibre ». La plateforme propose de réduire de manière drastique les dépenses fédérales mais, de manière surprenante, aucun objectif chiffré n’est posé noir sur blanc. Il faut donc en déduire que c’est le fameux « plan Ryan », concocté il y a deux ans par le représentant du Wisconsin, désormais second de Mitt Romney sur le ticket républicain, qui s’appliquerait. Pour mémoire, il propose de réaliser 6000 milliards d’économies durant les dix prochaines années.

Le dépeçage de Medicare

Il ne faut pas aller chercher bien loin les sources d’économies. Quelques lignes plus bas, le texte stipule que Medicare (programme de protection sociale des plus de 65 ans), Medicaid (programme de protection sociale des enfants pauvres et de leurs mères), tous deux créés dans les années 60, et la « Social Security » (système public de retraites, issu des années 30) représentent près de la moitié des dépenses publiques. Le parti républicain propose de relever l’âge d’éligibilité de ce programme et de remplacer la couverture universelle pour les « seniors » par un système de « vouchers » (bons) à utiliser auprès des compagnies d’assurances privées. Cela porte un nom: privatisation.

 

La mort lente de l’impôt progressif sur le revenu

Le chapitre sur l’impôt est l’un des plus illustratifs de la dérive continue du parti républicain. On peut y lire cette phrase : « Les impôts, par leur nature, réduisent la liberté du citoyen ». Cette assertion est, historiquement, libertarienne non républicaine. « L’impôt est une entrave à la liberté », avait déjà asséné Mitt Romney lors de la campagne des primaires. John Jay, père fondateur et premier président de la Cour Suprême, y voyait, au contraire, le « prix de la liberté, de la paix, de notre propre sécurité et de la postérité ».

« Nous rejetons l’utilisation de l’impôt pour redistribuer les revenus », est-il encore écrit dans le texte de 62 pages. Au menu : étendre les allégements fiscaux (pour les plus riches, NDLR) votés sous Bush en 2001 et 2003, mettre fin à aux droits de succession. Il est même envisagé, dans le cadre d’une réforme ultérieure, d’abroger le seizième amendement de la Constitution qui a établi en 1913 l’impôt sur le revenu fédéral.

Guerre aux syndicats

Sous le vocable « liberté sur le lieu de travail », le parti républicain assume la guerre qu’il a déclarée aux organisations syndicales (http://www.humanite.fr/monde/dans-le-wisconsin-les-republicains-sur-les-lieux-de-leur-tentative-de-crime-493694). Après un hommage rendu aux gouverneurs qui ont tenté de faire passer des législations limitant le droit de négociation collective des syndicats, le GOP annonce qu’il s’attaquera, une fois élu, au processus (très compliqué, au demeurant) de constitution de syndicats dans les usines, bureaux ou magasins.

Société : l’ordre moral évangélique

Pour la première fois, une plateforme du parti républicain propose d’interdire, au nom de la sainteté de la vie humaine », l’avortement en toute circonstance, donc même en cas de viol ou d’inceste. L’arrêt de la Cour Suprême, Roe v Wade, rendu en 1973 considère, en revanche, l’avortement comme un droit constitutionnel. Interdiction programmée également du mariage gay – « un assaut contre les fondations de notre société ». Autorisation sans limites, en revanche, du port d’armes. Le programme républicain propose également la « présentation publique des dix commandements ». On attend donc avec impatience le rappel par un élu républicain devant un congrès du NRA (National Rifle Association, le puissant lobby des armes à feu), du sixième d’entre eux : « Tu ne tueras point ».

Politique étrangère : le retour des « néos-cons »

Avec le départ, dans l’opprobre, de George W. Bush, on croyait les néo-conservateurs condamnés à l’errance durant des décennies. Voilà que leur idéologie resurgit. Soutien indéfectible à Israël avec Jérusalem pour capitale. Critiques de la tentative de nouveau départ (« reset ») des relations avec la Russie par l’administration Obama. Plus généralement, leçons de démocratie dispensées à la terre entière. Avec, en point d’orgue, cette « pépite » sur la Chine : « L’exposition aux Chinois de notre mode de vie peut être la plus grande force pour le changement dans leur pays ».

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JOUR J, 15h. Congrès, référendums : on vote aussi

Alors que les bureaux de la côte est sont désormais tous ouverts, le point sur les autres scrutins du jour: statu quo annoncé à la Chambre des représentants et au Sénat; avancées attendues dans les Etats.

Le visage de l’Amérique au petit matin de mercredi ne dépendra pas uniquement du nom du président. Il sera également façonné par l’issue des scrutins parlementaires (national et local) ainsi que par les résultats des référendums locaux dont nombre ont une portée transformatrice.

Qui dominera Capitol Hill, le siège du Congrès des Etats-Unis ? Après l’identité du locataire de la Maison Blanche, voilà le principal enjeu de ce 6 novembre. Le caractère présidentialiste du système américain ne doit pas faire oublier que les parlementaires, et eux seuls, font la loi. L’expérience de ces deux dernières années le rappelle. Depuis 2010 et le raz-de-marée républicain (63 sièges gagnés à la chambre des représentants), Barack Obama n’a plus les moyens de gouverner même si son droit de veto a empêché la droite d’appliquer son programme. Aucun changement n’est attendu du côté de la chambre: les républicains devraient garder leur majorité (242 élus contre 193). Le parti de Romney envisageait également de faire basculer le Sénat, ce qui lui aurait donné les pleins pouvoirs législatifs. Or, les démocrates semblent bien placés pour y maintenir voire renforcer leur domination (53 sièges contre 47). Cette élection devrait marquer l’entrée au Sénat d’une figure de la gauche américaine, Elisabeth Warren, partie à la reconquête du siège jadis détenu par Ted Kennedy et perdu par les démocrates en janvier 2010. Cette professeure de droit à Harvard, véritable cauchemar de Wall Street et des milieux d’affaires dont elle dénonce les méthodes depuis des années, renforcerait ainsi la voix des progressistes aux côtés de Bernie Sanders, le sénateur du Vermont considéré comme l’élu le plus à gauche du Congrès, dont la réélection ne fait aucun doute.

Aux Etats-Unis, pays fédéral, un autre type de scrutin s’avère déterminant dans la vie de millions d’Américains : les référendums locaux. Pas moins de 174 propositions sont soumises à l’approbation des électeurs dans 38 Etats. Dans cinq Etats, le parti républicain tente de torpiller l’Obamacare. En Floride, le texte veut interdire, en outre, le financement public de l’avortement. Mais la droite n’est plus la seule à occuper le terrain des consultations populaires. Le camp progressiste a décidé lui aussi d’actionner le levier des référendums. Ainsi, dans le Maine, le Maryland et l’Etat de Washington (Seattle), les citoyens sont invités à autoriser les mariages homosexuels, ce qu’ils devraient faire, selon les derniers sondages. C’est en Californie, Etat le plus peuplé du pays (37 millions d’habitants), que se joue la plus grosse partie : abandon de la règle répressive de la condamnation automatique à la perpétuité en cas de troisième infraction (quelle qu’en soit la nature), taxe sur les millionnaires pour financer l’éducation et les services sociaux et abolition de la peine de mort.

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Le Jour J en direct sur ce blog

Dès l’ouverture des bureaux de vote mardi matin aux Etats-Unis (début d’après-midi en France), ouverture en simultané d’un fil d’actualité : les premières indications de participation, les résultats du vote anticipé, quelques éclairages, la mise en évidence des enjeux, puis les premiers résultats dans les premiers Etats, et, au bout de la nuit, le nom du président des Etats-Unis.

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Sondage J-1 : statu quo annoncé

Obama à la Maison Blanche, les Républicains majoritaires à la Chambre et les démocrates au Sénat : voilà la photographie donnée par les derniers sondages.

Présidentielles. L’institut Rasmussen donne à Romney un petit point d’avance au plan national tandis que CNN annonce une égalité parfaite. Mais le plus important, on le sait, réside dans le résultat des « swing states ». Dans l’Ohio, cela va de l’égalité à un avantage de 5 points pour Obama… Romney reste solide en Floride. Coude-à-coude en Virginie. Mais léger avantage au président sortant dans le Colorado, le New Hampshire et l’Iowa. Au total, le site Real Clear Politics (RCP) crédite Obama de 303 grands électeurs contre 235 à Romney. Le petit génie des sondages, Nate Silver, qui officie au New York Times donne au président 86% de chances de l’emporter.

Chambre des représentants. En 2010, lors des élections de mi-mandat, une abstention record (82 millions d’électeurs contre 132 lors de la présidentielle de 2008) sanctionnait les démocrates qui perdaient 63 sièges, leur pire revers depuis 1938. Des Républicains radicalisés par les Tea Parties prenaient ainsi le contrôle de la Chambre. Cette année, le curseur ne frétille pas beaucoup. Selon RCP, les républicains obtiendraient 224 sièges (la majorité est à 218) contre 178 aux démocrates. 33 sièges font l’objet d’un duel serré. Quoi qu’il en soit, la chambre restera « rouge » (la couleur du parti républicain).

Sénat. Ce serait également la stabilité à la chambre haute du Congrès. Les démocrates garderaient leur majorité (53 sièges contre 47) mais l’avantage étant plus ténu, des surprises peuvent encore survenir.

Si Obama est réélu et si les Républicains maintiennent leur stratégie d’obstruction (on ne voit franchement pas pourquoi ils en changeraient), soit l’Amérique repartira pour deux années de bisbilles stériles entre White House et Capitol Hill, soit il faudra au président réélu trouver d’autres leviers que le traditionnel jeu politique washingtonien. Laissons tout de même voter les Américains.

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Késako (4) : pourquoi Obama et Romney ne feront pas 100%

Cela vous a peut-être chatouillé à la lecture des sondages. Obama et Romney au coude à coude 48-48. Ou l’un devance l’autre 49-48. Bref, l’addition des pourcentages attribués par les enquêtes d’opinion aux candidats des deux grands partis ne font jamais 100%. L’explication est simple: parce qu’il y a d’autres candidats en lice, dont personne ne parle jamais comme c’est le cas à chaque élection. Ces « petits » candidats n’ont pas réussi à remplir les conditions dans tous les Etats mais une immense majorité des Américains auront la possibilité de voter pour l’un d’entre eux. Présentation succincte.

Gary Johnson, du parti libertarien, à la droite du parti républicain. Favorable à un minimum de réglementations (pas d’Etat-Providence, pas d’impôt), au libre-échange et aux libertés (y compris celle, pour les individus, de se droguer, et celle, pour les Etats, de prendre des mesures de ségrégation raciale) il sera présent dans l’ensemble des Etats exceptés deux. Le parti républicain craint un « scénario 2000 » à rebours. Il y a douze ans, Ralph Nader, des Verts, avait recueilli 2,73% au plan national et 1,63%, soit 97000 voix, en Floride là où il en manquait 500 à Al Gore pour battre W. Bush et accéder à la Maison Blanche. Cette année, Gary Johnson pourrait priver Mitt Romney des quelques voix qui viendraient à lui manquer dans l’Ohio ou le New Hampshire : c’est en tout cas la crainte de quelques stratèges républicains qui en ont surtout fait un argument auprès des électeurs de droite afin qu’ils ne dispersent par leurs suffrages.

Jill Stein, candidate du Green Party. Présente dans une quarantaine d’Etats, elle subit de plein fouet la « jurisprudence 2000 » et l’effet vote utile qui joue à plein en faveur d’Obama. Pendant cette campagne, ce médecin du Massachusetts a été arrêtée alors qu’elle tentait de pénétrer dans l’université au sein de laquelle allait se dérouler un des débats Obama-Romney, arguant que la démocratie américaine méritait un vrai débat. « Nous n’avons pas besoin de diriger l’Amérique comme une entreprise ou comme les militaires. Nous avons besoin de diriger l’Amérique comme une démocratie », répète cette femme de 62 ans. La pierre angulaire de son programme, c’est un « new deal vert » : transition vers une économie durable, droit d’avoir un emploi à salaire décent, un secteur financier servant les Américains, renforcement du pouvoir citoyen.

Virgil Goode, du Constitution Party, lui-aussi à droite du parti républicain. Formation d’extrême-droite, même, selon de nombreux observateurs. En 2008, les candidats de cette formation avaient recueilli moins de 200000 voix.

Rocky Anderson, du Justice Party, ne sera présent que sur les bulletins d’une quinzaine d’Etats. Le candidat est un ancien maire de Salt Lake City qui se situe à gauche de l’échiquier politique. Il se prononce pour une réforme du financement des campagnes, la fin des réductions d’impôts pour les plus riches et une protection sociale universelle.

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Sondages J-2: coude à coude dans l’Ohio

La liste des Etats prétendant au statut de « faiseur de roi » se raccourcit de jour en jour. Il n’en reste quasiment plus qu’un : l’Ohio. Romney ne sera pas président s’il n’emporte pas cet Etat du Midwest. Un Républicain n’a jamais occupé la Maison Blanche sans avoir préalablement gagné entre Cleveland et Colombus. Obama pourrait s’en passer à condition de remporter la majorité des autres « swing states » (Floride, Virginie, Colorado, New Hampshire, Iowa). Le sondage du jour, réalisé par le Columbus Dispatch, donne deux points d’avance au président sortant (50-48). La marge d’erreur étant de 2,2 points, l’incertitude règne encore et toujours. Romney est majoritaire chez les électeurs blancs (53-45) mais le carton plein d’Obama parmi les Africains-Américains (95%) lui donne le léger avantage évoqué. « Obama a un avantage, mais une forte participation des républicains pourrait donner l’Ohio à Romney », commente le journal, sans vraiment se mouiller. On pourrait ajouter : une forte mobilisation des démocrates (qui fera l’objet d’un « post » demain) placerait l’Ohio dans l’escarcelle d’Obama quelle que soit la participation des républicains.

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Sondages J-3: Obama devant

Les jours passent, les millions coulent à flot, les candidats se démènent mais cela semble laisser insensibles les électeurs. Enfin, si l’on en croit les sondages. Sur le plan national, Obama et Romney sont toujours donnés au coude à coude (48 -48, selon Rasmussen, 46-46, pour Fox) mais cela ne signifie absolument rien en raison du système du collège électoral (voir https://presidentiellesamericaines.com/2012/10/31/kesaco-2-pourquoi-les-americains-nelisent-ils-pas-directement-leur-president/). Donc, on oublie ce que vont voter une quarantaine d’Etats (Californie, Texas, New York, excusez du peu). Quarante-huit même, depuis quelques jours puisque l’attention se focalise – comme c’est le cas depuis une décennie – sur l’Ohio et la Floride. Nouvelles contradictoires pour les deux candidats dans l’Etat sudiste : un sondage donne 6 points d’avance à Romney, un autre deux à… Obama. En revanche, dans l’Etat du Midwest, les vents vont dans le même sens : Obama devant. Ce qui lui assurerait sans aucun doute un second mandat.

Aujourd’hui, la photographie de Real Clear Politics donne : 290 grands électeurs pour Obama, 248 pour Romney. Celle du New York Times : 303 pour le président sortant qui empocherait la Virginie et ses 13 grands électeurs en plus selon le site spécialisé du grand quotidien américain (http://fivethirtyeight.blogs.nytimes.com/)

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Késako (3): pourquoi un président ne peut-il pas exercer plus de deux mandats?

Cette limitation a d’abord été un usage. Le premier président des Etats-Unis, Georges Washington, a gouverné pendant deux mandats de quatre ans (1788-1796) puis a cédé la place, soucieux de ne pas reproduire des comportements de type monarchique, dans un jeune pays qui venait justement de créer une République contre la couronne britannique. Durant 116 ans, cette pratique a fait office de règle. Le premier à ne pas la respecter fut Theodore Roosevelt, président de 1900 à 1908 et de nouveau candidat (défait) en 1912. Mais le premier à réussir fut un autre Roosevelt – Franklin Delano – qui, au terme de ses deux mandats, se représenta et l’emporta en 1940, alors que la guerre avait été déclarée sur le continent européen, et, en 1944, en plein conflit mondial. Circonstances exceptionnelles, plaida-t-il. En 1951, afin d’éviter de laisser la question à la libre interprétation du Président sortant, le Congrès adopta le 22e amendement interdisant la sollicitation d’un troisième mandat.

Donc, quoi qu’il arrive, il s’agit de la dernière bataille de Barack Obama.

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Doutes et certitudes du peuple d’Obama

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Les Américains ont une faculté assez sidérante à faire passer la politique par des canaux qui n’apparaissent pas traditionnels aux yeux d’Européens. Ainsi, pour discuter avec des progressistes, des « liberals », le mieux c’est d’aller prendre un apéro… L’initiative s’appelle « Drinking Liberally », dont la traduction, dans l’esprit, serait en effet « Apéros progressistes ». Ces derniers sont une déclinaison d’un projet baptisé « Living liberally » (Vivre de manière progressiste). Il y a aussi les « screening » (séances ciné), les « reading » (lectures), les « eating » (bouffes) et même les « laughing » (spectacles comiques)…

Explications à Denver avec John E. (c’est ainsi qu’il se présente): « Tout a commencé à New York en 2003. Deux gars ont eu l’idée de créer un lieu où on pouvait s’apitoyer sur notre sort d’avoir Bush comme président. Mais, attention, nous ne sommes pas une arrière-salle du parti démocrate. » On compte désormais 233 « apéros progressistes » dans 46 des 51 Etats américains. Chaque « branche » se réunit en général deux fois par mois dans un lieu fixe. A Denver, le « drinking » a inauguré en 2006.

Les habitués arrivent les premiers et s’installent. Il y a là John, Joe, John (encore) Misty et son mari Kyle. Kyle est un « liberal » de fraîche date et il tient à le faire savoir : « Je suis du Texas et j’étais un évangéliste. La vie et ma femme Misty m’ont ouvert les yeux. Il y a cinq ans, je me suis révolté contre l’anarcho-syndicalisme et je suis devenu un « liberal », explique ce solide gars à l’accent, en effet, texan. Misty sirote son verre de vin blanc, pensive : « Vous venez de France ? Nous sommes tellement en retard sur vous ». Ce soir, le groupe a envie de parler du « modèle Apple », pas forcément de la campagne.

A côté d’eux, John E., s’entretient du climat politique avec deux nouveaux venus, Stacey et Ben. « Nous venons juste d’emménager à Denver en provenance de la Virginie, explique Stacey, enceinte de plusieurs mois, et nous voulions entrer en contact avec des progressistes ». John E: très engagé en 2008 dans la campagne d’Obama, il l’est beaucoup moins cette année. « Je suis devenu papa depuis et j’ai un peu moins de temps. Mais la raison principale est que j’ai été déçu par Obama, par un certain nombre de choses qu’il a faites ou n’a pas faites. Je pense, par exemple, que la loi sur la santé aurait dû être plus forte ». Stacey : « Je serais un peu plus modérée : la loi représente quand même un pas en avant. Aurait-il pu faire plus ? Peut-être. Il aurait peut-être pu faire un plan de relance plus imposant ». Alors que John s’apprête à poursuivre le débat, deux jeunes femmes s’avancent vers lui et lui tendent la main. « C’est notre première fois ici alors on voulait se présenter. Je suis Justine», annonce la première. « Et moi, c’est Melissa », enchaîne la seconde. « Bienvenue, alors », répond John. On saisit l’occasion pour leur demander les raisons de leur présence. « Ben, c’est normal, on aime être « liberal » et on aime boire, donc on est là », rigole Melissa. « On essaie de rencontrer d’autres électeurs démocrates », avance Justine.

Les deux Latinas mènent également une campagne électorale effrénée. La seule évocation  d’une victoire possible de Romney les rend blêmes. « Les gens ne sont pas excités comme en 2008, c’est vrai, ils sont même un peu déçus, mais ils se disent qu’il faut tout de même aller voter », se persuade Melissa. « Moi-même, je ne suis pas emballée mais qu’aurait-il pu faire d’autre ? », s’interroge Justine.

La discussion se poursuit à l’autre bout du pays avec des « obamistes » convaincus. Patrick Le Floch, un Français, est le président du parti démocrate de Fairfax, dans le nord de la Virginie, un bastion démocrate. Pour lui, « le bilan est positif. Obama a fait le pari du plan de relance et du sauvetage de l’économie. L’Obamacare est une réforme comme celle des droits civiques sur laquelle personne ne pourra revenir. La stagnation est dûe à l’attitude des républicains à partir de 2010 ». Mais l’heure n’est plus vraiment au jugement du premier mandat. L’urgence, c’est le terrain. « Tous les week-ends, nous faisons du porte à porte ».

Parmi les plus acharnés des militants, figure Curtis Chandler. Pourtant jusqu’en 2008, il n’avait jamais voté démocrate. « Mes parents étaient républicains. Mon père était patron de PME et j’ai toujours cru au discours de responsabilité fiscale tenu par les républicains, explique-t-il. J’ai commencé à décrocher dans les années 90 sur les sujets de société. Puis est venu Bush. Pourtant, encore en 2004, j’ai voté pour lui. Puis, j’ai arrêté. Je n’ai pas quitté le parti républicain, c’est ce parti qui m’a quitté. Pourtant, je suis un électeur « naturel » pour eux. Je suis retraité depuis dix ans. Les investissements se portent comme jamais. Mais je ne supporte plus leur idée de l’Amérique, leur défense des plus riches alors que je pense que les revenus du capital devraient être taxés comme ceux du travail, leurs positions sur l’avortement ou le mariage gay, les lois qu’ils font voter dans les Etats qu’ils dirigent pour restreindre le vote des « minorités »…Je sais trop bien ce qu’ils sont devenus pour simplement envisager leur laisser une chance de revenir au pouvoir. »

(1)             http://livingliberally.org/

Cet article est paru dans l’Humanité dimanche du 31 octobre

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